La démocratie représentative : un système périmé?

Louée, défendue, interdite de la contester, telles sont les arguments employés pour ne pas remettre en question ce système politique présent dans les sociétés dites occidentales qui tentent de l'imposer dans le reste du monde face aux tyrannies dictatoriales. Et pourtant, à regarder de plus près, la démocratie représentative n'est pas infaillible, elle comporte plusieurs failles non seulement dans les différentes formules électorales mais aussi dans sa propre conception.

 

La démocratie représentative est définie comme une démocratie dont les citoyens délèguent le pouvoir décisionnel à des représentants élus qui élaborent des lois pour défendre l'intérêt général. Sauf que cette définition n'est que théorique. Dans la pratique, c'est beaucoup plus nuancé. Il existe des abus, des dysfonctionnements et des manipulations. Paradoxalement, les personnalités politiques parlent de tous les maux sauf celui du système qui leur a permis de siéger. Oh, wait...

 

Comme pour toutes défaillances, il existe des gagnants qui ont intérêt à les maintenir et des perdants qui exigent des changements. Accrochez-vous, la liste des problèmes sera longue.

 

Les problèmes du système en soi

 

Il ne faut pas se cacher. Son fonctionnement comporte de nombreuses failles. D'une part, son organisation pose problème pour la société en raison des comportements que le pouvoir engendre avant, pendant et après les élections, pas seulement dans la majorité mais parmi toute la population. Ensuite, la démocratie nécessite des idées pour être alimentée mais ne peut non plus en absorber trop sous peine de défaillir par la surcharge et les incohérences des projets parfois déconnectés de la réalité. Enfin, elle est censée entretenir un lien entre la populace et les représentants, ce qui n'est pas toujours le cas.

 

Commençons par son organisation. La démocratie représentative implique que les différentes tendances du pays s'incarnent via des partis défendant une idéologie ou une philosophie justifiant leur création. Pour simplifier leur affiliation idéologique, des termes furent choisis pour les différencier tels que la gauche, la droite, le centre, l'extrême gauche, l'extrême droite, les verts, etc. Sauf qu'il n'est pas possible d'agréger un pavé de valeurs en une étiquette sans se demander s'il n'existe pas d'autres idées qu'ils défendent, pouvant remettre en question l'affiliation imposée ou que le parti s'est imposé dans les discours.

 

C'est ici un des gros problème de la démocratie représentative : elle oblige les citoyens à choisir un parti pour qui voter sans même toujours savoir s'il correspond à leurs attentes car le système démocratique n'autorise que des membres des partis à siéger. A travers cette obligation, elle insiste sur la fragmentation de la société allant jusqu'à les obliger à s'affronter alors qu'il serait plus judicieux de s'unir pour régler un problème commun. Bien entendu, difficile de s'entendre avec un parti prônant le rejet des autres ou la remise à plat du pays pour un modèle plus égalitaire. Non, ce qui pose problème est le souhait de rentrer dans une logique permanente de confrontation à tel point qu'il n'est plus possible de distinguer ce qui est une bonne ou une mauvaise idée. Ce paroxysme est poussé à son maximum lorsqu'un parti s'est donné pour mission non seulement de rejeter toute proposition venant de son "ennemi" mais surtout de chercher à détruire tout ce que celui-ci a construit durant sa majorité. A ce jeu-là, le Président Trump s'y est prêté en souhaitant détruire ce qu'Obama a construit : Obamacare, Accords de Paris sur le climat, fermeture de Guantanamo, Accords transpacifiques, Accord sur le nucléaire iranien. Ceci montre une limite de la démocratie représentative : son incapacité à concevoir et à entretenir des projets à long-terme sans le risque de changement brutal lors d'une nouvelle majorité.

 

Ce problème s'aggrave par la présence d'élus se croyant toujours en campagne électorale où l'exercice de la fonction ne vise pas à assurer la mission confiée par le mandat mais d'y siéger aussi longtemps que possible. Et si vous n'êtes pas content de ce changement? Que vous préfériez les anciennes mesures? Malheureusement, il n'y a pas de compromis. La majorité s'impose à tous et à toutes et tant pis pour vous si elle supprime des mesures vous étant favorables. C'est même le mensonge de la représentativité car le gouvernement et la majorité parlementaires ne représentent pas le peuple mais seulement la majorité théorique des citoyens les ayant élus. Or, qui vous a dit que la majorité avait toujours raison?

 

Au plan idéologique, c'est la raison qui légitimise les décisions de la majorité, qui représente plus de la moitié de la population, donc acceptées de facto par le plus grand nombre des votants qui sont d'accord avec le programme présenté. Mais est-il possible de tenir tous les engagements? Malheureusement non. D'une part, la situation réelle ne permet pas toujours de mettre en place les mesures souhaitées pour des raisons institutionnelles, juridiques, économiques ou simplement par manque de volonté. Contrairement à la vente où un commerçant peut être condamné pour publicité mensongère, les élus ne sont pas tenus de respecter leurs promesses ni leur programme électoral. J'entends par volonté les décisions volontaires et involontaires. Involontaire car la formation du gouvernement implique la conclusion d'un accord entre les partis qui formeront la majorité (surtout pour les démocraties à scrutin proportionnel) et donc chacun doit sacrifier des éléments du programme tout en défendant les grandes ambitions. Volontaire car la promesse ne peut servir qu'à attirer les foules pour ensuite réaliser le contraire de ce qui avait été promis.

 

Il existe deux cas extrêmes pour ce danger. Le premier est le populisme où, en absence de programme, un candidat décide de surfer sur les tendances attractives pour inciter les électeurs à voter pour lui sur base de promesses et merveilles pour finalement aboutir à pas grand chose ou pire, à la mise en place de mesures extrêmes non-annoncées mais en relation avec leur programme. Le second est à l'extrême opposé du premier, c'est l'emploi d'une conviction personnelle ou d'une idéologie pour former la base du programme électoral avec à la clé des mesures n'autorisant aucune remise en question sous peine de contester l'idée principale défendue par le candidat et sa vision (erronée) de la société. Les deux cas témoignent d'un manque flagrant de pragmatisme entre ce qui est réalisable et ce qui est souhaitable, les conditions internes et externes ne permettent pas toujours d'instaurer toutes les mesures promises, surtout si elles se rapprochent plus du fantasme que du sérieux.

 

Sans compter que les élus ont des compte à rendre auprès des électeurs sous peine de manquer la réélection. Cela dit, la perversité des élections est de ne considérer les citoyens que comme des voix et non comme des êtres humains. Souvent, ceux-ci n'ont aucune influence sur la politique une fois les élections passées, le boulot revenant principalement aux "élites politiques". Ainsi, la formation du gouvernement et de la majorité se réalisent à huis clos et une fois les accords conclus, ce sont les parlementaires qui votent une motion de confiance pour autoriser le nouveau gouvernement à prendre ses fonctions. Et les citoyens? Ils n'ont rien à dire. La justification est la délégation de la représentation et des pouvoirs qui en découlent à un ensemble d'élus et de partis. Sauf que ceux-ci peuvent décider de tout et de n'importe quoi car seul compte le poids électoral amassé et non l'avis des électeurs. Par conséquent, les citoyens se retrouvent écartés des calculs des partis où seule une poignée décide de l'avenir du pays. Lorsque je vous disais qu'un parti n'est pas tenu de tenir ses promesses, cela vaut aussi pour la formation de la majorité. Votre parti vous a-t-il dit qu'il ne siégerait pas à un gouvernement avec un autre jugé infréquentable pour finalement réaliser l'inverse de ce qu'il a déclaré? Tant pis, vous n'avez pas votre mot à dire dans le processus. Vous avez voté, en revoir. Certes c'est violent mais il résume le sentiment des citoyens de la déconnection du monde politique envers les électeurs une fois les élections passées. Bien sûr, il existe des mesures consultatives comme les référendums où les citoyens sont invités à donner leur avis sur une question posée. Encore faut-il que la question ne soit pas déjà orientée et surtout que le résultat soit pris en compte. 

 

Les élections, vecteurs de la démocratie

 

Pour qu'une démocratie fonctionne, il faut des élections.  C'est l'essence de la représentativité car les votants élisent leurs représentants. Cela nécessite donc des mesures pour qu'elles se déroulent sans accro, c'est-à-dire sans problèmes techniques ni actes malveillants. A cela s'ajoute des règles pour désigner les personnes éligibles et celles disposées à voter. Généralement, les conditions comprennent un âge minimal, la citoyenneté du pays pour certaines élections, la jouissance des droits civils et l'ordre dans certains statuts.

 

En règle général, c'est celui qui dispose de la majorité des voix qui remporte les élections. Dans un système majoritaire, il s'agit du candidat ayant plus de la moitié des voix. Dans un système proportionnel, il faut que les partis forment une coalition comprenant plus de la moitié des voix.

 

Sauf que les élections ne reflètent pas toujours la véritable volonté des électeurs. Comme expliqué plus haut, les partis sont incontournables et les programmes ne sont pas toujours respectés. Et pourtant, ce sera sur base de ces derniers que vous devrez choisir vos futurs dirigeants. Comment? Tout dépend du pays dans lequel vous vivez, chacun adoptant un système différent de scrutin mais certains d'entre eux posent question sur le choix. Un exemple, les élections majoritaires à deux tours. Au premier tour, tous les candidats participent. Si aucun n'a obtenu la majorité, alors un second tour est organisé où seuls les deux premiers participent. Et c'est là que ça coince : pourquoi obliger les électeurs à voter pour deux candidats qu'ils n'apprécient pas? Pourquoi balayer d'un revers de la main tous les autres alors qu'ils ont encore des chances de réaliser un bon score? Il ne faut pas s'étonner du taux d'abstention : si aucun candidat ne correspond aux attentes, pourquoi allez voter? Regardez par exemple les élections présidentielles françaises de 2017. Le taux d'abstention était de 25,3%, soit un quart de la population! A choisir entre un libéral proche du monde bancaire et du patronat et l'extrême droite surfant sur le rejet et l'isolement international, le choix est plus que décevant.

 

Idem pour le programme où c'est à prendre ou à laisser. L'électeur dirait dans ce cas qu'il y a en chacun de bonnes et de mauvaises idées, ou qu'il ne s'agit que de promesses. Voter pour des promesses d'un candidat n'étant pas obligé de respecter une fois élu, oui ça existe et c'est légal. Paradoxalement, il est parfois préférable que le gagnant ne respecte pas ses promesses si les idées sont jugées mauvaises voire dangereuses. Dans tous les cas, voter est comme jouer aux machines à sous : vous introduisez dans la fente, vous espérez un bon résultat puis vous recevez ce que la machine offre, et tant pis si ce n'est pas ce que vous espériez.

 

Et encore, je part du principe que les candidats se font élire grâce au programme proposé. L'absurdité démocratique va plus loin lorsque le vainqueur se fait élire sans que les électeurs n'aient compris pourquoi il fallait voter pour lui. Déjà, il n'est pas nécessaire d'effectuer des études de sciences politiques, économiques, sociales, juridiques ou autres filières. Contrairement aux offres d'emploi, il n'est pas nécessaire de disposer des compétences requises pour postuler tant que la loi électorale permet à quiconque de se présenter. Il suffit d'être bien entouré, de savoir taper dans l'œil des médias, d'engager des conseillers médiatiques et marketings et la victoire sera à vous. Et si vous n'êtes pas assez charismatique, n'avez pas fière allure ou que vous n'êtes pas connu en tant que star planétaire ou amateur de vidéo choc, alors passez au plan B : laissez vos adversaires se faire descendre. Revenons en France. Suite aux primaires du parti Les Républicains, François Fillon fut désigné comme candidat. Il fut même déjà imaginé comme le futur président de la République selon le raisonnement où Marine le Pen serait d'office battue au second tour suite à la coalition anti-extrême droite, le candidat du PS Benoit Hamon subirait les ratés de François Hollande et les autres candidats seraient des outsiders. Sauf qu'une affaire d'emploi fictif a entaché la candidature de Fillon, celui présenté comme le garant de la droite honnête. En quelques mois, il est passé de futur gagnant à outsider, allant jusqu'à risquer son remplacement par le perdant du second tour, Alain Juppé! Suite à ce scandale, le nouveau gagnant fut rapidement choisi : Emmanuel Macron, candidat du mouvement En Marche!, ancien ministre des finances de François Hollande. Profitant de la débâcle du PS puis du parti LR, il bénéficia d'une coalition visant à faire barrage à l'extrême droite, comme il fut prévu.

 

Cet exemple a démontré que le programme ne suffit plus pour convaincre. Grâce aux médias, il est possible de montrer une image positive, de s'appuyer sur sa force de conviction avec de grands discours teintés de promesses (et parfois de provocations) ou de surfer sur les scandales des autres candidats. A cela s'ajoute l'impact des affaires judiciaires car un élu se doit d'être irréprochable, vierge de toute accusation de corruption, de manipulation ou d'abus. Dans tous les cas, il suffit d'une enquête ou d'une présentation pour faire pencher la balance en sa faveur ... ou pas.

 

A chaque système, ses abus

 

C'est le péché de l'humanité. Derrière chaque initiative se voulant noble se trouvent des détournements à des fins privés. La démocratie représentative n'échappe pas à la règle. Certains élus profitent de leur mandat pour se permettre des largesses illégales et légales. Oui, tout abus n'est pas forcément criminel, il peut s'agit d'employer des mécanismes ou des lacunes à outrances pour le bien personnel et non public.

 

La tentation d'abuser de la fonction pour s'enrichir personnellement est grande. Certains élus ont l'idée d'utiliser les pouvoirs qu'ils ont à leur disposition pour fabriquer des combines sur le dos des citoyens en puisant dans les caisses de l'Etat ou en offrant des services voire des emplois à des proches. Corruption, détournement de fonds, faux et usage de faux, abus de biens sociaux, emplois fictifs, utilisation de personnel public à des fins privés. Voici quelques exemples de magouilles découlant de la fonction publique. Reste que le sort réservé par la justice se joue au quitte ou double. A ceux qui ont une défense en béton, une immunité de longue durée pour enterrer l'affaire ou les preuves et un réseau d'amis, c'est l'impunité garantie. A ceux qui n'ont pas les moyens de se protéger ou qui se sont jurés de donner l'image d'un dirigeant exemplaire lors des élections, la carrière politique a de grandes chances de finir prématurément.

 

Le problème des méfaits est lorsqu'ils rapportent, son inventeur souhaite en profiter au maximum tout en restant protégé. Or la meilleure des protections reste l'immunité, ce principe de la nécessité de la présence permanente de l'élu dans l'exercice de sa fonction pour ne pas paralyser les institutions. Pour le garder, il n'y a pas d'autre solutions que de siéger et donc de remporter les élections. Certains élus ont pratiqué une méthode devenue illégale, le clientélisme, qui consiste à offrir un service ou un emploi en échange de la garantie du vote du bénéficiaire, une manière de lui rappeler qu'il lui doit tout. Ceux qui n'ont aucun scrupule passeront en force en pratiquant le bourrage des urnes, c'est-à-dire placer des bulletins illégalement pour truquer les résultats en faveur du tricheur au nez et à la barbe des assesseurs ... ou avec leur complicité.

 

Ce qui en revanche est plus dangereux que l'abus de la fonction à des fins criminelles est celui des outils et appareils mis à leur disposition mais détournés de leur essence démocratique. Les élus doivent adopter des mesures permettant d'améliorer la vie des citoyens et/ou de maintenir une économie suffisamment élevée pour assurer les dépenses étatiques. Or, certains élus ne se considèrent pas comme redevables envers les électeurs mais plutôt comme des privilégiés pouvant se permettre des faveurs en toute légalité. Pour cela, ils adoptent des lois avec le soutien d'autres élus du parti de la majorité (c'est plus difficile dans un système proportionnel en raison de l'accord de plusieurs partis) pour protéger leurs intérêts personnels, que ce soit le secteur d'activité privé où ils ont encore une place d'administrateur voire de directeur, ou la recherche d'une protection parlementaire pour échapper à la justice (l'ancien premier ministre italien Silvio Berlusconi sait de quoi je parle). La modification de la législation par intérêt personnel ne s'arrête pas seulement au vote de lois de favoritisme ou de protection, il peut aussi s'agir de changer le mode électoral sur base d'intention de vote ou par pure stratégie. Saviez-vous que la Belgique employa le système majoritaire jusqu'en 1899 pour passer au système proportionnel pour des raisons stratégiques et non de représentativité? Un système proportionnel à l'avantage non seulement de représenter plus de tendances politiques mais permet aussi de mieux fragmenter l'opposition en affrontant plusieurs partis plutôt qu'un ou deux. Malin, les réformateurs.

 

Il existe également un outil dans certains pays, dont en France et au Royaume-Uni, utilisé à des fins stratégiques : la convocation d'élections anticipées par dissolution des Chambres. Une fois déclarée, de nouvelles élections sont convoquées et de nouvelles majorités sont appelées à se former. Contrairement au Royaume-Uni où le Premier ministre peut remettre sa place en jeu, le Président français est sûr de conserver son poste, assuré par les élections présidentielles, mais peut se retrouver affaibli en cas de victoire du principal parti de l'opposition (comme ce fut le cas avec Jacques Chirac en 1997 qui, persuadé de la victoire du RPR, décida de dissoudre l'Assemblée nationale mais le PS remporta les nouvelles élections). Bien entendu, il faut une raison et souvent, il s'agit d'une pure stratégie passant du coup de poker à la roulette russe. La Première ministre Theresa May convoqua des élections anticipées avec pour ambition de renforcer son parti pour la négociation du Brexit. La partie de poker ne se déroula pas comme prévu car, bien qu'elle conserve une majorité pour rester au pouvoir, l'opposition remporta plus de sièges de prévu. Encore un exemple du jeu dangereux des élections anticipées.

 

Pour finir, la démocratie représentative peut aboutir à des dérives mettant en péril son application voire sa propre existence.

 

L'une d'elles est la dérive autoritaire où un candidat arrive au pouvoir, décide avec son parti de verrouiller la société, de supprimer une à une les libertés, d'arrêter et condamner les opposants politiques et civils, et d’accroître son contrôle sur les institutions de l'Etat. Le point critique sera atteint lorsque le multipartisme sera interdit, les élections supprimées ou truquées. Dans ces cas là, la dictature sera bien présente, la démocratie ne sera plus une valeur mais une méthode pour parvenir à ses fins.

 

Une autre dérive est le poids trop important des partis dans la société. Appelé particratie, la démocratie s'exercerait via un pouvoir accru mais non-officiel des présidents de parti qui auront un poids important dans le processus décisionnel. Il ne s'agit pas de remplacer les institutions démocratiques mais de peser dans la balance lorsque des décisions importantes seront à prendre. Généralement, la particratie s'installe quand la discipline de parti est très élevée à tel point que presque la totalité des mesures seront adoptées par majorité contre opposition aux Chambres et lorsque les partis participent à la vie des citoyens via des structures prenant en charge plusieurs services (la pilarisation). La Belgique a la spécificité que le domaine communautaire soit géré par les présidents de partis et non par un ministère en raison du risque de partialité du ministre.

 

Enfin, tous les élus ne sont pas des experts. Certains ont besoin d'informations ou de conseils pour comprendre les dossiers. Outre les conseillers, il existe un autre canal d'informations qui est le lobbying où des entreprises ou des groupes d'intérêt proposent leurs services en échange de leur soutien dans une mesure les concernant. Il ne s'agit pas d'offre de cadeaux ou en nature car cela relèverait de la corruption active, c'est plutôt le fournissement de rapports d'expertise (pas toujours objectifs) ou le financement d'une campagne électorale. Cependant, chaque pays dispose de ses propres lois en ce qui concernent le lobbying. Certains l'acceptent, d'autres fixent des limites pour éviter une trop grande intrusion dans le processus démocratique.

 

D'autres problèmes à nuancer

 

Il existe par la suite des problèmes pas toujours  due à la démocratie mais qui impactent son application.

 

Etant donné que chaque citoyen sera un jour appelé à voter ou même à se présenter, il est logique qu'il sache de quoi il en découle. Or, il n'est pas toujours au courant des programmes ou de la philosophie de parti. Face à cela, il vote par charisme, affiliation, habitude, héritage de famille, selon les affaires judiciaires ou simplement parce qu'il ne sait pas pour qui voter. Le manque d'éducation impacte le choix électoral, le rend plus volatil et l'électeur plus influençable par les médias, les rumeurs, les stéréotypes. Le souci est aussi le manque d'intérêt, l'absence de cette envie de mieux connaitre le fonctionnement des institutions et des enjeux démocratiques se cachant derrière les élections. Je vous l'accorde, lire un programme électoral, c'est barbant et ça s'étale sur des centaines de pages avec des termes que le simple citoyen ne pourrait pas toujours comprendre. Heureusement que les partis pensent à fournir une forme simplifiée.

 

Le coût de la démocratie est une question peu soulevée mais existante. Derrière cela se cache le financement des partis pour éviter le lobbying à outrance, les élections à organiser avec le matériel et les assesseurs, le maintien des structures démocratiques, la rémunération des élus et du personnel. Un argument facile contre la démocratie représentative serait de dire qu'elle coûte trop chère. Mais trop chère par rapport à quoi? Ceux qui l'emploie oublie de se demander combien coûte une dictature. Non seulement pour l'entretien du dictateur et de ses services répressifs mais aussi le détournement des ressources et la corruption qui impactent l'économie du pays où la croissance ne profite qu'à l'élite et non à la population.

 

A propos de la corruption, elle est présente partout, même en démocratie. Personne n'est à l'abri du désir de vouloir s'enrichir personnellement, quitte à enfreindre les lois ou à profiter du système. La différence est qu'en dictature, la corruption est parfois organisée par le pouvoir ou devient une nécessité pour vivre. Bien entendu, rien ne peut justifier cet acte illégal.

 

Enfin, la dictature ne se trouve pas toujours dans un régime dictatorial. Ce n'est pas une erreur de locution mais un constat sur la longévité politique. Certaines personnalités parviennent à s'y accrocher en remportant les élections pour rempiler au poste qu'elles occupent depuis de nombreuses années. On ne peut reprocher à celles qui font un excellent travail et donc qui méritent d'y rester. Le problème vient de celles qui profitent de leur influence, de leur poids, de leur image mais surtout de leur place pour continuer malgré les gamelles et les dérapages. Ici, on touche à la question de l'alternance, celle du remplacement des vieux éléments par de nouveaux plus frais. Pas seulement les élus mais aussi les partis dits traditionnels face aux nouvelles formation. Là, il faut nuancer. D'une part, les nouveaux n'arrivent que lors de circonstances exceptionnelles (crise économique, contestation civile) ou de nouvelles tendances (islamophobie, anti-migrant, retour de l'extrême gauche face au capitalisme, alternative gauche-droite) sans l'expérience nécessaire ni la renommée pour peser dans l'arène politique. D'une autre, ceux qui sont placés depuis trop longtemps risqueraient d'y faire leur nid à tel point qu'il n'y a plus de stimulation idéologique, préférant la continuité de la recette gagnante jusqu'à épuisement. Dans les deux cas, il est nécessaire de renouveler l'équipe sans détruire la totalité, de laisser la place aux nouveaux sans chasser tous ceux présents depuis des années. Il ne faut donc pas une instabilité basée sur la volatilité des tendances ni le vieillissement de la politique en place depuis trop longtemps, juste une évolution tenant compte du monde actuel sans détruire totalement la société.

 

Démocratie, est-elle finie?

 

Nous l'avons vu, la démocratie représentative n'est pas optimale, comme tout système politique. Il existe des failles à combler, des lacunes à remplir et des zones d'ombres à éclaircir. Cependant, il ne faut pas céder à la facilité du discours du changement radical via l'adoption d'un nouveau modèle sans la garantie que celui-ci fonctionnera mieux. Il existe quelques pistes pour renforcer notre modèle.

 

D'abord, le point le plus important est d'assurer le lien entre les citoyens et le monde politique, que la représentativité soit assurée en permanence et non seulement durant les élections. Bien que les partis tentent de se rapprocher d'eux via des consultations ou des messages informatifs sur les réseaux sociaux, ceux-ci ressentent encore l'impression de n'exister que durant les élections. Il ne s'agit pas seulement d'améliorer la communication mais surtout leur implication dans les processus car il ne faut pas oublier que toutes les mesures prises les impacteront sans que les décideurs ne sachent toujours de quoi il en retourne.

 

Pour ce faire, une des pistes seraient une implication directe du citoyen dans la formation de la majorité lors des élections où il lui serait offert la possibilité de choisir la majorité qu'il souhaiterait. Certes cela rendrait plus difficile la mise en place du gouvernement mais cela offrirait une meilleure représentation démocratique face aux stratagèmes des partis prêts à ne pas respecter les conditions pré-électorales (qui a dit qu'il ne rentrerait pas dans un gouvernement avec la NVA avant de changer d'avis pour devenir Premier ministre?).

 

Une autre serait de fixer un cadre institutionnel représentant directement les citoyens dans le processus législatif, comme remplacer le Sénat en tant que Chambre avec des sénateurs élus indirectement par des experts civils qualifiés dans les matières ministérielles (économistes, juristes, médecins, etc.) élus sur base de leurs compétences et non de leur attache politique afin d'émettre des recommandations sur les lois (le pouvoir décisionnel resterait entre les mains des députés).

 

Enfin, les moyens de communications ont évolué. Dorénavant, il est plus facile de donner son avis et de le partager sur le net. Pourquoi ne pas mettre cette innovation au service de la démocratie? Les réseaux sociaux servent de relais pour la propagation d'informations sans véritable contrôle sur leur objectivité, il est possible de dire n'importe quoi et de le maquiller en vérité dans le seul but d'influencer. Les électeurs sont influençables, un canal médiatique permettant de mettre en relations les citoyens avec les institutions et les élus renforcerait l'implication populaire dans la vie politique.

 

Tout ceci ne peut réussir que si le citoyen s'y implique. Or, les affaires politiques semblent peu l'intéresser. Il faut dire aussi qu'il s'agit d'un domaine opaque, pas à la portée de tout le monde. Sans intérêt ni connaissance de base, comment devenir le militant de demain? Comment remplir son devoir d'électeur correctement? Pour cela, une éducation politico-civile est nécessaire pour lui permettre d'assurer son rôle à l'âge adulte. Inclure des cours de politique serait un bon début pour mieux lui expliquer les enjeux lorsqu'il ira voter, lui montrer l'importance de sa décision lorsqu'il mettra son bulletin dans l'urne.

 

Ce qui peut le démotiver n'est pas seulement l'incompréhension ni le désintérêt, c'est aussi le mode électoral restreignant le choix électoral où il ne resterait que des candidats que personne ne souhaitent. Cette critique vaut pour certains pays, chacun ayant adopté un système différent. C'est un problème qui dépasse le cadre de cet article car chaque mode de scrutin comporte ses défauts. Par exemple, réaliser le score le plus élevé ne permet pas toujours de siéger comme dans le système proportionnel où ce sont les partis qui décident de la majorité, signifiant qu'un gros peut se retrouver dans l'opposition. Le problème de la sélection des candidats fut déjà évoqué avec les élections majoritaires à deux tours. Il existe également le problème de l'attribution des sièges ne respectant pas toujours les résultats et la nécessité d'un parti de remplir un seuil électoral pour siéger pouvant empêcher les plus petits d'entrer (surtout en Turquie car il est très élevé avec 10%). A ce jour, la question du meilleur scrutin n'est pas encore tranchée.

 

L'implication du citoyen ne passe pas seulement par toutes les pistes proposées plus haut. Il faut surtout la volonté politique d'accepter l'ouverture de leur monde. Or, la démocratie crée la nécessité des candidats de remporter les élections à tout prix, d'adopter une posture de confrontation permanente au nom du pouvoir à contrôler. Ce qui renforce ce jeu malsain est l'éternel combat majorité contre opposition où la première impose et la seconde conteste. Face à cela, le vote législatif doit inclure des procédures renforçant le dialogue et le débat où les avis de l'opposition seraient plus contraignantes sans pour autant lui donner les pleins pouvoirs sous peine de l'inciter au blocage. Combinée à la participation d'une assemblée citoyenne, la procédure législative ne serait plus un vote de la majorité forte mais une négociation qui certes prendra plus de temps mais évitera les erreurs portées sur des prévisions et des convictions personnelles.

 

Mais cette prise d'intérêt doit briser le mur du stéréotype de l'Homme politique corrompu et profiteur, déconnecté de la vie et protégé par son mandat. Face à cela, il est important de lutter contre les abus en infligeant des sanctions sévères, non seulement par les mesures prises par le parti mais surtout par la voie judiciaire. Une interdiction d'éligibilité à vie peut paraître excessive mais pourtant ce serait une solution car non seulement une personne ayant profité de son poste pour abuser du système ne mérite plus la confiance de qui que ce soit mais ne doit pas non plus profiter de la clémence de son parti en raison de son poids. A cela s'ajoute un renforcement des contre-pouvoirs comme une justice forte et réellement indépendante et les médias pouvant exercer leur devoir d'investigation sans restrictions tant qu'il s'agit de dénoncer une injustice.

 

La démocratie représentative souffre de multiples défaillances et d'abus. Il existe des solutions mais celles-ci resteront vaines tant que le monde politique refusera de se remettre en question, de se demander s'il ne serait pas temps de respecter davantage les citoyens ayant permis leur accession au pouvoir et de se concentrer plus sur leur travail plutôt que sur leurs affaires personnelles, de gouverner comme s'ils étaient les seuls à décider sans devoir rendre des comptes. Dans ce monde, il y a ceux qui œuvrent pour le bien public, d'autres pour le bien personnel. Qui parmi les citoyens souhaiteraient contribuer à la vie politique mais se retrouvent bloqués et dissuadés? N'oublions pas que les électeurs d'aujourd'hui sont susceptibles de devenir les élus de demain. A eux de décider d'entretenir un système défaillant ou de l'améliorer.

 

Sources

 

Le Minarchiste, Les failles de la démocratie, 24 septembre 2012 https://minarchiste.wordpress.com/2012/09/24/les-failles-de-la-democratie/

Vedura, Démocratie représentative, http://www.vedura.fr/gouvernance/democratie-representative

BELOUEZZANE Sarah, Présidentielle 2017 : abstention record pour un second tour depuis l'élection de 1969, Paris : Le Monde, 7 mai 2017, http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/05/07/presidentielle-2017-abstention-record-pour-un-second-tour-depuis-l-election-de-1969_5123757_4854003.html

CRISP, Scrutin proportionnel, http://www.vocabulairepolitique.be/scrutin-proportionnel/