La coopération internationale : la désunion comme solution?

Dans un monde globalisé tel que nous connaissons aujourd'hui, il est pratiquement impossible de diriger un pays sans entretenir des relations avec d'autres, même ceux dont les dirigeants seraient incapables de les situer sur une carte.

 

Grâce aux moyens de transports et les systèmes de communications, les délais de décisions sont énormément réduits allant jusqu'à l'instantanée. Et cela est important car les problèmes se sont aussi globalisés : terrorisme, environnement, commerce, guerre. Face à toutes ces problématiques, les Etats peuvent décider de coopérer via des accords internationaux pouvant débaucher sur la mise en place d'institutions nécessitant l'installation de structures permanentes.

 

Vous l'aurez compris, la coopération internationale est l'une des solutions pour régler les nombreux problèmes auquel chaque Etat doit y faire face. Paradoxalement, la coopération est de plus en plus perçue comme un problème plutôt qu'une solution et cela débouche sur des mouvements et des partis prônant le renfermement voire l'isolationnisme diplomatique. Au final, la coopération est-elle une solution collective aux problèmes de chacun ou une problématique déguisée en réponse avec des gagnants et des perdants?

 

Unis pour être meilleurs?

 

La coopération internationale est une décision émanant de plusieurs Etats, présents dès sa mise en place ou plus tard via une procédure d'adhésion, souhaitant accomplir un objectif fixé dans le temps ou non. Cela englobe plusieurs domaines car les membres décident du but pour lequel ils s'associent. Ainsi, s'ils veulent réduire la montée de la température dans le monde, ils forment un sommet sur le climat puis décident de se fixer des objectifs et les mesures nécessaires pour y parvenir dans une charte où chacun s'engage à la respecter. C'est une coopération car chaque acteur décide d'agir loyalement pour accomplir se pourquoi il a signé. Pas question de tricher, lorsqu'on s'engage dans un accord, on est prié de le respecter et gare à celui qui ne le respecte pas, il a intérêt à avoir une bonne excuse ... ou des moyens de pression.

 

Une coopération internationale ne peut fonctionner que si chacun respecte les engagements pris. Si un membre refuse, il pénalise le reste et risque l'isolement. Donc, même si dans certaines situations le non-respect peut rapporter plus, il peut en revanche coûter plus cher que le respect à tel point que les bénéfices seront vite englouties par les conséquences négatives que le non-respect entraîne. Face à cela, certains partis ou groupes privilégient une solution simple mais radicale : le retrait.

 

Pourquoi se retirer pour faire cavalier seul alors que d'autres souhaitent poursuivre ensemble. Voici quelques arguments mis en avant.

 

Retrouver la souveraineté

 

Lorsqu'un Etat adhère à une institution ou s'engage à coopérer, il doit sacrifier une partie de sa souveraineté en respectant des engagements internationaux voire léguer certaines compétences à une juridiction supérieure. Or, pour les extrémistes et les populistes, la souveraineté est sacrée, seul l'Etat peut légiférer sur son sol sans qu'une puissance extérieure ou une institution ne puissent avoir leur mot à dire.

 

Pourquoi un gouvernement accepterait-il de soustraire son pays à des obligations pouvant restreindre sa marge de manœuvre?

 

Pour l'Union européenne, il y a le désir d'intégration. Les chefs d'Etat et de gouvernement partent du principe que la coopération économique et environnementale peut engranger davantage de bénéfices et renforcer leur présence sur la scène internationale. Comme dans tout accord, chaque Etat est tenu de se tenir aux accords signés avec les objectifs et les obligations derrière. Or, c'est sur ces points là que les extrémistes protestent.

 

En effet, leur argument sur ce sujet est de se poser en perdant, en partie lésée où les moins développés sont ceux qui gagnent le plus en fournissant le moins d'effort. C'est vrai que les moins favorisés gagnent plus étant donné qu'ils commencent avec moins et la coopération se doit de rehausser leur niveau jusqu'à atteindre celui des autres. C'est à ce moment que les extrémistes oublient que leur pays a bénéficié d'une bonne conjoncture économique mais pour eux, pas question que les autres en profitent s'ils doivent mettre la main au portefeuille.

 

De plus, un autre argument est que les Etats-membres ne contrôlent plus toute leur politique en raison du transfert de certains outils vers le niveau européen, comme les taxes douanières, une part du pouvoir judiciaire où la justice européenne peut intervenir dans celle d'un Etat si elle est saisie ou encore la monnaie pour l'Eurogroupe. Quand on adhère, on assume. C'est la règle même si la décision découle d'un précédent gouvernement.

 

Pour l'OTAN, l'obligation de respecter un budget militaire équivalent à 2% du PIB pour le financement est un sujet tabou relancé par le président étasunien. Peu de membres y parviennent mais c'est une obligation reprise dans le traité. Ce n'est pas ce point-ci qui fâche l'extrême droite. Non, c'est une possible intervention militaire dans un conflit qui n'est pas le leur. Qui voudrait se frotter à la Russie pour défendre la Pologne et les Etats baltes? Seulement ceux qui y verraient un intérêt à ce que ces pays ne tombent pas dans le giron russe. Qui serait prêt à prendre les armes pour concrétiser cet objectif? La réponse se retrouvera dans les négociations. OTAN ou coalition de volontaires? Si cela se termine comme en 2003 pour l'Irak, comment l'alliance pourrait-elle encore justifier son existence? Risque-t-elle de connaitre un camouflet comme l'UE où la solution commune a laissé place au volontariat de chacun? L'extrême droite le souhaiterait au nom de la souveraineté militaire. 

 

Le coût trop élevé pour rester

 

On entend par coût le budget alloué au fonctionnement de l'institution (l'UE à 1% du PIB, l'OTAN qui demande 2% pour le budget militaire), les restrictions imposées par les obligations (comme la non-utilisation de certains produits pour lutter contre le réchauffement climatique) et le transfert de compétences vers une juridiction supérieure (l'UE qui dispose de plusieurs compétences propres).

 

Chaque pays résonne comme un individu : il se base toujours sur le rapport coût/bénéfice en tentant de diminuer le premier pour maximiser le second. Et c'est là que ça pose problème. Comment calculer les coûts du maintien et du retrait? Comment définir réellement les bénéfices qui se dégagent de la coopération? Certaines réponses sont concrètes comme la lutte contre le terrorisme avec l'échange d'informations (s'il fonctionne). D'autres sont plus difficiles comme le marché intérieur où l'augmentation du PIB passe par une concurrence accrue et la libéralisation du marché entraînant plusieurs faillites en raison de la loi du plus rentable. Ici, nous découvrons la dure réalité d'un accord : tout n'est pas une addition à somme nulle, il y a des gagnants et des perdants.

 

Rappelons que l'extrême droite se pose toujours en second en se basant exclusivement sur les coûts sans parler des bénéfices. Ce serait une manière tronquée de croire qu'on peut tout acquérir en fournissant le minimum syndical. Et si la coopération internationale n'est pas assez rentable, autant l'abandonner comme un patron décidant de fermer une usine peu productive. Redescendez sur terre, la rentabilité n'est pas seulement quantitative, il y a derrière d'autres paramètres à prendre en compte auquel le Royaume-Uni a découvert lors du déclenchement des négociations du Brexit.

 

Cela a commencé par la guerre des chiffres : combien va coûter le divorce? On parle de milliards et chacun se renvoie la balle. Ensuite, les institutions et les juridictions européennes vont laisser place aux structures britanniques. L'ardoise s'alourdit même si cela permettrait d'embaucher des fonctionnaires (à condition qu'ils soient prêts le moment venu). Enfin, le Royaume-Uni pourra-t-il encore bénéficier du marché intérieur comme il le demande? Pas sûr, cette demande est jugée audacieuse car cela signifierait qu'il en tirerait les bénéfices sans devoir respecter les accords de coopération. D'autant que les règles peuvent changer sans qu'il ait son mot à dire.

 

L'extrême droite voit en le Brexit un modèle à s'inspirer. Reste à observer la posture européenne entre un positionnement dur et une approche plus cordiale. Quant à la note, elle risquerait d'être salée et pourrait en dissuader plus d'un. Au final, vaut-il mieux rester et payer sans ressentir les bénéfices qui en découlent ou quitter pour payer le pot plein afin de retrouver les pleins pouvoirs?

 

Le problème vient toujours des autres

 

Ainsi se résume la pensée extrémiste. L'extrême droite désigne toujours un ennemi à repousser et ceux qui refusent se font traités de collabo. La culture de la peur de l'étranger donne naissance aux fruits de la haine et du rejet dont les partis se reposant trop sur le nationalisme à tel point d'assimiler le patriotisme en font le commerce. Le commerce de la haine. Cela existe et peut devenir un projet d'avenir tant que des personnes auront besoin de diseurs de fortune pour les rassurer.

Les institutions et les accords internationaux sont victimes de ce lynchage idéologique, à tort ou à raison.

 

Les accords de libre-échange permettant un renforcement dans la coopération économique en abolissant les barrières et les restrictions commerciales ne sont pas perçues positivement par la population lorsqu'il s'agit de négocier avec un pays ne respectant pas toujours les mesures d'hygiène ou de bien-être. La peur de la délocalisation massive et de l'arrivée de produits moins chers et de moindre qualité attirent les opposants mais pas forcément vers les partis politiques qui en font un thème de campagne. L'initiative populaire peut se former pour demander l'abandon des négociations par crainte que cela impacte aussi bien leur pays que l'autre partenaire. Il s'agit d'une alerte du peuple pour demander au monde politique de se montrer plus prudent.

 

En revanche ce qui est dangereux est la stigmatisation continue de tout ce qui touche à l'international de la part des élus. Pourquoi l'UE souffre-t-elle d'une mauvaise réputation? Pourquoi l'ONU n'est pas perçu correctement ses dernières années avec la guerre en Syrie? Et que dire des accords de la COP21 remis en question par les Etats-Unis et de l'espace Schengen de plus en plus menacé suite aux vagues migratoires faisant la part belle aux esprits renfermés? Parce que l'aspect négatif de chaque éléments bénéficie d'une meilleure publicité que les services rendus au quotidien.

 

Le raisonnement est le suivant : quand une institution fonctionne, tout le monde se tait car c'est normal, cela signifie que tout se déroule comme prévu. En revanche, lorsqu'il y a un problème provenant d'acteurs ne sachant ou ne voulant pas agir comme tout le monde le souhaiterait, ou que la décision prise ne plait guère, c'est la diabolisation qui se déclenche avec à la clé la récupération politique où l'international menace les intérêts nationaux et le gouvernement se pose en défenseur du peuple, allant jusqu'à mentionner la possibilité du retrait.

 

Quitter une institution qui offre des avantages juste parce qu'une partie ne fonctionne pas comme nous le souhaitons. On se croirait chez Apple. Plutôt que de parler de retrait, une des solutions seraient la révision du fonctionnement car le monde change, les besoins aussi, donc les traités signés il y a des décennies nécessitent une mise à jour pour se conformer aux nécessités des citoyens des Etats-membres mais aussi des institutions elles-mêmes. Pourquoi tout jeter s'il suffit de changer ce qui ne fonctionne pas? Cela parait simple mais tout est une question de volonté et d'intérêt national.

 

Un problème? Où ça? Pourquoi rester alors?

 

Les Etats s'associent lorsqu'ils décident d'affronter ensemble un problème commun. Mais une fois celui-ci résolu ou passé en second plan? La logique serait que les membres décident qu'il n'est plus nécessaire de s'associer. L'alliance militaire est l'exemple le plus emblématique de cette interrogation car elle se forme souvent pour contrer un belligérant pouvant se montrer menaçant si personne ne se présente pour l'affronter. Les deux guerres mondiales ont vu des alliances se former et se défaire, des participant changeant de camps ou jeter l'éponge, des neutres se faisant engloutir par le plus fort. Quant à la guerre froide, ce fut l'OTAN contre le Pacte de Varsovie où chacun espérait ne pas en venir aux armes mais heureusement cela n'est pas arrivé.

 

Le Pacte s'est effondré en raison de son obsolescence et le changement de régime chez tous les membres. L'OTAN aurait du suivre le même sort mais ce ne fut pas le cas car elle a su se trouver un nouveau but : servir de renfort militaire à l'ONU. Pourtant , le but primaire de cette alliance ne s'est pas estompée en raison de la perception de la Russie comme une menace pouvant à tout moment décider d'envahir l'Est de l'Europe, ce qui ne plait guère au gouvernement russe qui mit fin à la coopération.

 

Le climat suit le même schéma. La coopération contre le réchauffement climatique ne peut se réaliser avec des climato-sceptiques. Or, lorsqu'un nouveau chef conteste l'existence de ce problème, pourquoi y resterait-il? N'oublions pas que chaque Etat défend ses intérêts dans une collectivité et y reste par profit ou par idéologie. Une fois que la raison de cette association disparaît, les structures ayant permis de l'appréhender cessent d'exister si elles ne sont pas réorganisées pour un nouvel objectif. Au final, ce sera toujours l'Etat-membre qui considérera l'intérêt porté à la problématique et à la solution collective apportée à celle-ci.

 

Au final, chacun dans son coin?

 

Dans tout accord, il y a des gagnants et des perdants, du positif et du négatif. Chacun souhaiterait maximiser ce qui est bon en diminuant ce qui ne l'est pas. Mais souhaiter collecter les bénéfices sans remplir les obligations relève de l'utopie et de la malhonnêteté diplomatique.

 

Le retrait n'est pas aussi simple qu'il n'y parait. Outre la procédure aussi longue que l'adhésion, divers critères entrent en compte : le vide juridique, le coût aussi bien financier qu'humain, les conséquences diplomatiques, le poids sur la scène internationale.

 

L'extrême droite, les populistes et les europhobes agrègent l'ensemble des problème en un point pour simplifier le problème à combattre. Or, la simplification est très dangereuse car cela écarte beaucoup de facteurs essentiels gravitant autour de celui-ci à tel point qu'il peut aggraver la situation. Donc non, quitter une organisation ou une coopération internationale n'est pas une décision à prendre à la légère. Elle nécessite une réflexion sérieuse ne se reposant pas uniquement sur l'idéologie ultranationaliste, un calcul basé à long-terme sur les dispositions à prendre pour assumer les responsabilités à prendre seul, une bonne anticipation des événements à suivre et des camions entiers de café pour tenir le cap lors des négociations à venir.

 

 

Donc les Etats feraient-ils mieux de rester? Cela dépend comment ils négocient leur retrait, comment ils ont planifié la politique à suivre seul et comment ils parviendront à garder de bonnes relations avec les anciens partenaires. C'est de la réussite de tout cela qu'un Etat découvrira s'il a pris la bonne décision de faire cavalier seul.