Dans un peu plus d'une semaine, ce sera la fin d'un suspens qui aura duré plusieurs mois avec des rebondissements, des retournements de situation et des (mauvaises) surprises au premier tour. Le choix des Français est scellé : le second tour se jouera entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Qui aura le privilège de se poser à l'Elysée et de reprendre le fardeau de François Hollande? Au fait, peut-on encore appeler cela un privilège après ce que je viens de dire sur Hollande?
Bien entendu, comme pour chaque élection, il n'est pas toujours facile de déterminer pour qui voter lorsqu'on se base uniquement sur les "on dit" ou des scandales et amalgames proférés à volonté par chaque candidat. Le Coin du Cerveau se permet de vous éclairer la lanterne en fouinant dans le programme électoral de chacun.
Les Hommes de Cro Macron en marche!
Emmanuel Macron, leader du mouvement En Marche!, fondé après avoir quitté le PS dont le destin est aussi prévisible que celui du Titanic (à la différence que l'iceberg n'y est pour rien car le capitaine n'en avait pas besoin pour couler le navire), est une surprise électorale. Au départ, les sondages donnaient au second tour Fillon - Le Pen mais suite aux casseroles du candidat libéral, ils l'ont eu profond une fois de plus.
Se déclarant ni de gauche ni de droite, il vous montre le début de l'entubage. Je suis d'accord à moitié sur cette déclaration car la première partie est vraie mais pas la seconde. C'est un candidat issu du monde de la finance, déjà critiqué pour ses positions en faveur des banques lorsqu'il devint ministre de l'économie sous Hollande. Et ce ne sont pas les lois Macron sur le secret des affaires (rejetée par l'Assemblée nationale) et El Khomri sur la réforme du travail via une révision à la tronçonneuse du Code de travail qui me donneront une image plus positive du candidat. Ça, c'est le côté polémique. Concentrons-nous maintenant sur son programme.
Pour l'emploi, y a pas photo, il promet de meilleurs salaires via une réduction de cotisation sociale et un meilleur accès au chômage pour les démissionnaires. Ce qui est intéressant est le lien entre l'emploi et la formation pour préparer les jeunes au monde du travail. Le patronat devrait être ravi avec un allègement des cotisations, une réglementation plus claire et plus simple et une priorité au dialogue social (n'oubliez pas ce que la loi El Khomri dit à ce sujet).
L'environnement n'est pas oublié car il prône l'utilisation de produits moins polluants, moins cancérigènes et souhaite privilégier le bio local. Reste à voir si cela va aider à changer les mentalités et les habitudes en n'imposant pas une charge financière trop importante.
Pour la fraude fiscale, pas de surprises : plus de sanctions, plus d'égalité sociale.
La sécurité, thème devenu phare suite aux attentats, est mise en avant via une justice plus forte, un recrutement massif de policiers, davantage de places de prison et la coopération européenne pour surveiller les frontières.
Les enfants maintenant. Une mesure ne va pas leur faire plaisir : plus de gsm en primaire et au collège. Mais c'est pour votre bien, les ondes bousilleront votre cerveau et vous donneront envie de voter Le P... Nabilla aux prochaines élections. Plus sérieusement, il veut moderniser le parcours scolaire en misant sur l'enseignement primaire, un meilleur accompagnement des étudiants et surtout un accès à la culture pour tous via un Pass Culture. Quant à l'autonomie des universités, espérons que cela se fasse pour l'enseignement et non pour le profit.
Les valeurs nationales, le thème préféré de Le Pen. Comment Macron aborde-t-il ce sujet? La défense de la laïcité en s'attaquant aux prêcheurs du terrorisme sans s'attaquer au port du voile, histoire de faire des heureux partout (sauf aux extrémistes de droite mais tant pis pour eux), un examen plus rapide des demandes d'asile et la langue française comme principal critère de naturalisation ainsi qu'un meilleur accès à l'emploi aux habitants souhaitant travailler dans leur ville.
L'Europe, Macron s'est toujours prononcé en faveur de l'intégration européenne. Et son programme n'est pas en reste : intégration de la défense via un QG européen, protection du marché unique dans le cadre du Brexit, marché unique de l'énergie et du numérique, lutte contre les arrangements fiscaux déloyaux. Un bon programme pour l'Europe ... s'il est suivi par les autres Etats-membres.
Pour la santé et les retraites, le candidat promet une augmentation de la pension (il faut aussi viser ceux qui ne verront pas la fin du quinquennat), un remboursement plus rapide et avantageux de certains soins de santé mais aussi une meilleure mobilisation des associations et des étudiants en médecine. Ce dernier point est positif pour permettre à ceux souhaitant contribuer à la société de le faire plus efficacement.
Niveau administratif, il vise l'accélération des procédures judiciaires et la transparences des services publics. Il ne souhaite pas que le niveau national intervienne si le département ou l'Union européenne sont suffisamment clairs dans la réglementation.
Tiens, une réforme de la démocratie? Pourquoi pas si cela peut améliorer la confiance du citoyen. La moralisation passe par un gros coup de balai aux élus qui se verront infliger de multiples interdictions et restrictions salariales. Ils ne sont pas contents de gagner moins et de pouvoir moins magouiller? Gare à eux, Macron veut réduire le nombre d'élus nationaux. Quant aux citoyens, il souhaite une meilleure participation via une évaluation du travail des parlementaire et une consultation au niveau communal.
Dernier point, le territoire. Il souhaite une meilleure justice fiscale via l'exonération de la taxe d'habitation aux Français issus des classes moyenne et populaire, une simplification administrative passant par une réduction du nombre de départements et un meilleur réseau de transport aussi bien en France métropolitaine qu'avec les territoires d'Outre-mer.
Tout citer est trop long, je vous invite donc à télécharger son programme sur son site : https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme
Le Pen vaut-elle la peine?
Marine Le Pen, présidente du Front national ayant succédé à son père, eurodéputée du groupe Europe des Nations et des Libertés, se présente comme la candidate du patriotisme et la grande protectrice de la France face aux menaces extérieures que représentent selon elle l'immigration et la mondialisation. Je dis bien selon elle car l'extrême droite joue sur la peur en menaçant l'électorat d'être envahi par des éléments étrangers s'ils ne soutiennent pas leurs idées nationalistes voire xénophobes. La pierre est jetée, jetons un œil sur son programme.
Déjà, le ton est donné. Chaque chapitre commence par un éloge à la France, histoire de vous rappeler que la candidate veut redonner sa grandeur au pays (ça ne vous rappelle pas quelqu'un outre-Atlantique?). En tout, il y a 144 engagements. Nous verrons en cas de victoire si elle parviendra à au moins en tenir 1.
Premier chapitre et déjà la mesure phare : le référendum pour la sortie de la France de l'UE. S'en suit une volonté de réduire le pouvoir national au profit du peuple via un élargissement du référendum, une réduction du nombre d'élus, une réforme électorale pour la proportionnalité et une simplification des niveaux de pouvoir. Puis la protection des libertés et de l'égalité incluant une lutte contre les valeurs islamique opposées à cet objectif. Quand je vous disais que le ton est donné dès le départ.
Deuxième chapitre, la sécurité. Les cibles à éradiquer : les caïds des banlieues (au nombre de 5000 selon le FN), les criminels coupables de crimes graves, les étrangers illégaux et légaux, et les islamistes. Cela passe par un renforcement des effectifs de police, une justice plus punitive car jugée trop laxiste, l'expulsion des criminels étrangers, la sortie de l'espace Schengen sans impacter les travailleurs frontaliers, une procédure de naturalisation plus difficile à accomplir et la mise en place de mesures extrêmes dans la lutte contre le terrorisme.
Troisième chapitre : l'économie patriotique. Privilégier l'économie locale via la protection des entreprises françaises contre le commerce déloyal et les normes européennes, se méfier de tout se qui provient de l'étranger (y compris les travailleurs et les investissements), promouvoir l'innovation, surveiller les dépenses publiques inutiles (dont l'UE en fait partie) avec une meilleure lutte contre les fraudes. Elle souhaite une simplification administrative pour l'embauche, permettre à la Banque de France d'accorder de petits crédits, la suppression de la loi El Khomri, une meilleure répartition des aides familiales aussi bien publiques que générationnelle, le maintien du temps de travail actuel et la suppression de toute contrainte concernant l'épargne.
Quatrième chapitre : la santé, la fiscalité et le travail. Le programme promet un meilleur accès aux soins de santé (sauf pour les clandestins) via une réduction du coût des médicaments chers et une répartition plus juste des docteurs sur l'ensemble du territoire. L'accès comprend aussi l'éducation aux étudiants français de médecine via la révision du numerus clausus. La fiscalité juste comprend la volonté de ne plus taxer inutilement et automatiquement et de lutter contre l'évasion fiscale. Nouvelle cible : les pays du Golfe accusés de nuire à l'intérêt national via les pétrodollars. Pour l'emploi, thème important, elle prône la revalorisation de l'artisanat et la facilité d'accès au premier emploi tout en garantissant celui de ceux qui en ont déjà un aussi bien dans le public que dans le privé.
Cinquième chapitre : l'identité nationale (Sarkozy, sors de ce corps), l'éducation et la culture. L'identité et la citoyenneté sont mises en avant via le drapeau français partout, la priorité aux Français, la valorisation de la laïcité, la langue française au détriment de l'ELCO (un dispositif permettant aux travailleurs étrangers de pouvoir scolariser leurs enfants en leur garantissant l'apprentissage de leurs langue et culture d'origine) et l'unité nationale incluant les territoires d'Outre-mer. La culture inclut aussi bien l'aide au développement culturel dans les établissements scolaires que la protection du patrimoine via l'interdiction de la vente de bâtiments historiques aux étrangers. Le sport n'est pas oublié car la candidate veut aider les sportifs amateurs à se développer pour les compétitions internationales.
Sixième chapitre : l'armée. Cela passe par le retrait du commandement militaire intégré de l'OTAN (Sarkozy est bien sorti de ce corps, de la candidate pas de l'OTAN), l'augmentation du budget militaire, la construction d'un second porte-avion, l'engagement de la France dans les affaires internationales tout en protégeant le principe de la souveraineté nationale et une aide au développement destinée aux pays d'Afrique.
Septième et dernier chapitre : l'agriculture, l'environnement, l'énergie, le logement. Pour ne pas changer, elle propose de refuser les accords de libre-échange et les politiques communes européennes et de privilégier les exportations agricoles françaises. Pour l'énergie, elle promeut les filières françaises mais refuse d'exploiter de nouvelles sources si cela peut entraîner des conséquences néfastes pour la santé, et la protection animale via la réduction de l'industrialisation de la viande. Pour le logement, elle souhaite un habitat pour chaque Français en priorité, aussi bien pour l'achat que pour l'habitation de qualité. Cela passe par une simplification des services administratives et une obligation de garantir un logement répondant à des critères de qualité sous peine de sanctions.
Simplifier 144 points est difficile donc si vous souhaitez lire le programme complet de Marine Le Pen, voici le lien : https://www.marine2017.fr/programme/
A vos bulletins, prêts? Non? Ben tant pis
Difficile de voter lorsque les partis traditionnels symbolisant la gauche [d'avant] et la droite ne sont plus présents. Il faut réfléchir et se pencher sur les propositions de chaque candidat. Les deux présentations sont des résumés, il faut à présent décortiquer.
Déjà, la présentation saute aux yeux. Alors que Macron tend vers une approche classique mais positive où sur presque chaque page se trouve le candidat serrant des mains ou parlant avec des individus, Le Pen martèle la France à chaque point. Chaque chapitre commence par Une France... sans reprendre le slogan de Sarkozy en 2012 (Une France forte) ni celui des agences de notation (Une France morte).
La présentation coïncide aussi avec les priorités de chacun. Macron est un homme plongé dans l'économie. Pour lui, ce sont l'emploi et la croissance qui priment sans oublier la sécurité et la nationalité. Il inclut un projet pro-européen pour montrer qu'il reste certes le candidat des Français mais sans oublier la citoyenneté européenne. Le Pen part dans le sens contraire. Dès la lecture des titres, nous constatons qu'elle mise sur l'approche patriotique et nationaliste et débute par le retrait de l'UE (la grosse mesure) suivi de la réforme politique, de la sécurité, de l'immigration pour finalement aborder l'économie. Ce qui est frappant, c'est que dans chaque chapitre, elle trouve toujours quelqu'un sur qui taper. Certaines cibles sont légitimes (les chefs de bande, les islamistes), d'autres posent question (l'Union européenne et les directives européennes, les enfants des travailleurs étrangers qui apprennent leur langue d'origine,'l'OTAN, les pays du Golfe).
Au niveau des similitudes, les deux candidats sont d'accord pour la réduction du nombre d'élus nationaux, une plus grande participation du citoyen dans la vie politique, le principe de la laïcité, plus de places de prison, l'importance de la langue française, une augmentation du budget militaire, la simplification administrative pour l'emploi et tout le reste, c'est à dire la promesse de chaque candidat d'une vie meilleure en gagnant plus.
Des différences, il y en a. La plus flagrante est la position européenne. Macron considère que l'Union européenne peut apporter des solutions via l'harmonisation des normes, la coopération entre les Etats-membres et une plus grande représentativité populaire. Le Pen considère au contraire que l'Union européenne est un vecteur de problèmes dont la seule solution est le retrait de la France au nom de la souveraineté. Une autre différence est l'ouverture au monde car Macron l'est en se positionnant pour un examen plus rapide des demandes d'asile et un projet européen plus vaste tandis que Le Pen préfère la fermeture via un quota d'immigrés légaux, la suppression d'aides et de services accordés aux étrangers vivant en France et le désengagement dans plusieurs organisations internationales. Je ne vais pas tout détailler, chaque candidat possède sa manière pour tenir les mêmes engagements mutuels.
Si vous ne voulez pas tout lire, voici comment résumer en quelques lignes les conseils pour aller voter :
Pour une France ouverte croyant au projet européen allant jusqu'à une intégration renforcée, votez Macron.
Pour une France fermée aussi bien sur son territoire qu'à l'étranger, bâtie sur le patriotisme des citoyens et le rejet de ceux qui ne seraient pas assez favorables aux valeurs nationales, votez Le Pen.
Pour les indécis, soit vous votez blanc, soit vous ne votez pas mais n'allez pas vous plaindre si le président ou la présidente ne vous plaisent pas, vous aurez 5 ans pour changer d'avis.
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