Qu'il y a-t-il à la téléconnerie ce soir ?

La télévision, source de richesse pour tous ceux qui la côtoie : intellectuelle pour ceux en quête de savoir, distractive pour ceux qui recherchent le divertissement et financière pour les producteurs. Les programmes sont variés, il y en a pour tout le monde, à toute heure, avec divers thèmes, plusieurs objectifs différents (distraire, informer, documenter, débattre autour d'une table, pigeonner les téléspectateurs par téléphone, etc.).

 

Mais pourquoi en parler si c'est commun à tous ? Parce qu'il y a certaines émissions qui m'effraient. Non, je ne parle pas des films d'horreur avec les trucages sur ordis ou les costumes venant du grenier de grand-mère. Je parle de celles qui démontrent la possibilité de mettre à jour la stupidité humaine devant les caméras. Oui, certaines émissions n'ont aucun intérêt, aucune raison d'être diffusées de par leur concept à la fois étrange et médiocre. Le pire, c'est lorsqu'on en fait l'éloge! Le culte de la médiocrité existe et on en fait la publicité. En poursuivant votre lecture, vous en retrouverez surement  dont vous en aviez déjà entendues parler ou pire, regarder.

 

La télé-réalité au zoo de la campagne

 

La télé-réalité. S'il y a un type d'émission que je déteste, c'est bien la télé-réalité. Pour ceux qui ne savent pas ce que c'est, pour résumer en une phrase, c'est lorsqu'on filme des individus dans une maison en leur demandant de faire n'importe quoi pour amuser les téléspectateurs puis en rajouter une couche avec des émissions hebdomadaires (les primes comme ils appellent) pour inciter les pigeons spectateurs à voter pour le candidat le plus nul parmi les nuls. Mais comment cela fonctionne-t-il ? En exclusivité, je vous livre la recette :

-          Prenez d'abord une grande maison, genre villa ou château, avec une piscine de préférence si vous possédez des caméras sous-marines;

-          Remplissez là d'individus répondant à des critères stricts : jeunes, musclés (pas de boudin ni de porcinet), beaux-belles (on veut mater des mannequins, pas la foire agricole de Libramont) et surtout pas très intelligents, suffisamment pour un concours d'insultes sans virer au débat philosophique sur la société parfaite selon Kant ou Socrate;

-          Ajoutez-y une raison de les envoyer dans la cage aux folles leur maison paradisiaque. Pas la peine de chercher longtemps, dites-leur simplement qu'ils doivent trouver une réponse à une question sans queue ni tête. Si les candidats mettent deux semaines pour comprendre le principe du jeu, vous avez sélectionné les meilleurs;

-          Faites durer l'émission en provoquant des disputes, des concours avec de possibles prises de bec, du challenge avec des engueulades à la clé, et surtout, des conflits;

-          Annoncer à la fin le gagnant sans que personne (surtout les candidats) ne comprenne pourquoi.

 

Et voilà, c'est pas dur. Ah et surtout, n'oubliez pas de planquer les caméras sinon, qui pourra mater... hum regarder ce qu'il se passe ? Si vous avez scrupuleusement respecter la recette, vous aurez une simulation en temps réel d'une colonie de singes de différentes espèces se tortillant dans leur cage.

Si vous n'avez pas de maison, c'est pas grave : offrez-leur un voyage vers une ville touristique où ils passeront la plupart du temps à mater, frimer et se disputer pour des résultats similaires.

 

Voilà comment je résume la télé-réalité. Un concentré de stupidité sensé incarner la jeunesse d'aujourd'hui à travers le dialogue et la socialisation pour finalement déboucher sur des joutes verbales dont le niveau enverrait Descartes et Sartre à la morgue. Et on les considère comme des personnes importantes, des "people", dont la célébrité se base sur rien ? Drôle de société. Et le point commun avec les sportifs, c'est lorsqu'ils ne servent plus à rien, on les jette et à eux de se débrouiller s'ils veulent échapper au suicide. Car la célébrité est éphémère et passer directement du haut camouflé vers le bas parmi la masse est difficile et beaucoup se cassent la figure à l'atterrissage.

 

En gros, la télé-réalité, c'est comment récupérer la naïveté de la jeunesse pour en faire de l'argent pour ensuite envoyer les candidats à la poubelle et en chercher d'autres pour l'émission suivante.

 

Touche pas à mon cerveau

 

Je vous le dis déjà, je ne regarde pas cette émission (quelques minutes m'ont suffi pour changer de chaîne) et je n'ai guère envie de m'y mettre rien que pour la rédaction de ce texte, donc ces lignes sont écrites via des infos piochées sur quelques sites et vidéos.

 

Touche pas à mon poste, une émission rassemblant Cyril Hanouna et plusieurs figurants (appelés chroniqueurs) dont le but selon D8 est de décortiquer l'actualité dans la joie et la bonne humeur. Cette initiative peut paraître louable, ce n'est pas la seule émission qui se moque de ce qu'il se passe en France, son objectif est de faire rire à travers des vannes entre invités et présentateur. Mais creusez chers amis car cette émission a un secret : pour l'audimat, il faut que ça dérape.

 

Car elle est connue et critiquée pour jouer la provocation et l'humour aussi raffiné qu'une plaisanterie de maternelle (la seule qui me vient en tête est de renverser des nouilles dans le slip d'un chroniqueur, quelle insulte pour les nouilles!).

 

Mais ce qui me choque surtout (et qui énerve plus d'un), c'est le présentateur lui-même. Réputé violent et insultant voire méprisable, Hanouna n'hésite pas à utiliser ses chroniqueurs comme esclaves pour l'audimat. Qui se souvient de la gifle de Joey Starr à un chroniquer parce que Hanouna à souhaiter se marrer pour ensuite menacer et insulter le rappeur dont le geste fait débat entre légitimité envers un acte impoli et une réaction violente qui n'est pas la première de sa liste ? Ajouter à cela plusieurs avis du CSA (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel) qui a émis des mises en gardes sur les dérapages de l'émission et le comportement de son présentateur.

 

Je ne vais pas plus loin car je connais peu le concept réel de cette émission mais les quelques renseignements récoltés confortent mes pires craintes : on est prêt à tout pour l'audimat, y compris la recherche du scandale et de la provocation où le mauvais goût et le déversement de la stupidité intellectuelle deviennent la recette principale du succès. Les limites du respect d'autrui et des participants n'existent plus si elles deviennent des obstacles à la course aux parts du marché. Continuons comme ça et vous aurez à la télé des émissions où même un singe attardé mental trouverait intéressant. Mais je vous ai réservé le meilleur pour la fin.

 

Une émission qui touche le fond

 

Dans la catégorie des émissions où le concept est dénué d'intérêt réel, où on regarde des gens qui ne font pas grand chose, et surtout je ne comprends pas comment on peut rester devant pendant des heures, je vous présente Splash!

 

Pour ceux qui ont oublié (ce qui est bien) ou jamais entendu parler (c'est encore mieux), Splash! consiste à regarder des gens faire des plongeons dans une piscine. Oui, vous ne rêvez pas : vous regardez des gens sauter dans une piscine!

 

La télé-réalité, c'est déjà beau. TPMP, c'est limite. Mais Splash!, c'est indescriptible. Comment décrire l'intérêt de ce genre de divertissement ? Autant regarder des pingouins sauter dans l'eau glacée dans un documentaire animalier ou des athlètes lors de compétitions sportives, vous trouverez le même intérêt mais avec plus d'élégance et de professionnalisme.

 

Là, nous avons touché le gouffre. La télévision commence à déborder d'idiotie lorsqu'il s'agit d'inventer des concepts dans le seul but de s'enrichir. Je n'ai pas de mot pour poursuivre, et je n'en ai pas envie car je souhaite préserver le plus longtemps possible mes neurones restants.

 

Vous trouvez de tout à la télé, y compris la fine fleur de la connerie humaine en terme de créativité. Si c'est idiot, dénué de toute forme d'intelligence, simple à mettre en place avec un entretien quasi facile, c'est très bien ... à condition que ça rapporte.

 

Je conclue ce texte avec un gag de Philippe Geluck qui résume assez bien ce que je viens d'expliquer : «L'argent crée de l'argent. La pauvreté crée de la pauvreté. L'intelligence crée de l'intelligence. La connerie engendre de la connerie. Mais à la télé, souvent, l'intelligence crée de la connerie, et cette connerie engendre de l'argent.» [1]

 



[1] GELUCK Philippe, "Prêchi-Prêchat", "Le Chat fait des petits", Le Chat, Casterman, 2015, N°20, p. 49 

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