Court-terme et facilité : deux concepts dangereux pour la société

Lorsqu'on souhaite acquérir quelque chose au magasin, c'est simple et rapide : on regarde le prix et le goût puis on achète sans trop se poser de questions. C'est naturel pour l'homme de vouloir obtenir ce qu'il désire le plus vite possible car c'est énervant de ne pas posséder ce qu'on souhaite tout de suite lorsqu'il se focalise sur l'objet de ses désirs, et aussi le plus facilement possible en limitant au mieux les contraintes voire en n'y pensant pas du tout (et tant pis pour les conséquences à venir). Pourtant, ces deux conceptions peuvent provoquer des problèmes au niveau de la société si les dirigeants et ceux qui peuvent prétendre y exercer une influence décident de s'y focaliser sans prendre conscience des conséquences que leurs actes pourraient engendrer dans les mois ou les années à venir, ni se renseigner sur l'ensemble des facteurs reliés au problème pour trouver la solution la plus optimale (car elle n'existe pas, il y aura toujours des externalités négatives). Comment puis-je dire cela alors que cela va à l'encontre de la logique humaine ?

 

La facilité : un désir à consommer avec intelligence

 

La facilité est une quête permanente qui existe depuis le début de la civilisation car lorsqu'un problème se pose sans que les capacités humaines ne puissent la régler, l'Homme emploie son ingéniosité pour trouver le moyen de combler sa faiblesse physique. Une charge trop lourde ? La brouette, la poulie, le chariot, la grue, le monte-charge sont des solutions pour la transporter. Les trajets à pieds prennent trop de temps ? Le cheval est une solution pouvant se coupler avec le char et la diligence, le moteur a apporté les véhicules ne nécessitant plus aucun animal tout en allant plus vite, l'avion et le bateau à moteur (la voile prend trop de temps pour les vacances) ont fini par démontrer que le monde est plus petit qu'on le pense.

 

La facilité semble être une bonne chose. Cependant, elle peut se révéler néfaste lorsqu'on l'applique à l'esprit. Un problème n'est pas toujours aussi simple qu'on l'imagine. Pourtant, des personnes prétendent qu'elles possèdent la solution miracle qui réglera tous les soucis présents et à venir. Trop beau pour être vrai si celle-ci est présentée de manière à ce que tout coule de source et qu'elle peut se mettre en place sans trop de difficultés selon son concepteur. L'Homme ne veut pas réfléchir longtemps s'il ne souhaite pas y passer la journée, il préférera se fier aux raccourcis et aux faiseurs de miracles qui trouvent les mots pour les convaincre de les suivre sans remettre en question les alternatives qui pourraient s'avérer plus efficaces s'ils prenaient le temps de se renseigner. Donc, pas de miracle, la raison doit rester de mise, tout renseignement doit être intelligemment consulté avant de prendre une décision pouvant avoir de mauvaises répercussions.

 

Le court-terme : le bénéfice rapide à tout prix ?

 

Le court-terme est toujours enviable lorsqu'on souhaite réaliser des bénéfices. Pouvoir encaisser rapidement, directement posséder ce qu'on souhaite plutôt que d'attendre qu'il arrive avec la peur du risque que la situation change durant le laps de temps (imprévu, accident, modification de contrat, prix variable, ...). Après tout, s'il est possible d'obtenir à l'instant plutôt que d'attendre, pourquoi dire non ? Sauf que cette optique devient problématique lorsque la vitesse devient la principale préoccupation pour la recherche d'une solution. Plutôt que de prendre le temps de rassembler des idées et des renseignements puis de réaliser un ensemble de choix à considérer, certains souhaiteraient régler le problème au plus vite à travers une solution qui sort rapidement de l'esprit au nom de l'évidence ou de la logique propre sans réfléchir au long-terme qui peut démontrer que cette solution peut se transformer en problème et générer ainsi un cercle vicieux où chaque solution rapide entraîne un problème lointain, surtout si l'urgence est mise en évidence. Donc, pas de précipitation, attendre un ou deux jours voire une semaine est préférable si le résultat en vaut le coup. La compréhension et la réflexion ne doivent pas être sacrifiées sur l'autel de l'urgence.

 

Et la politique dans tout ça ?

 

C'est là que le bas blesse : les décideurs veulent des solutions faciles à pondre et à mettre en place pour des résultats rapides qu'ils ne verront qu'à court-terme. Tous peuvent prétendre obtenir des solutions miracles qui, à les entendre, régleraient les problèmes facilement pour donner de bons résultats aussi vite qu'imaginés.

Populisme vous dites ? Possible car les populistes ont une réponse directe à tout (même les pires), mais ce phénomène est bien plus large car chaque problème se décompose en plusieurs facteurs, causes et raisons à étudier avant de décider, et cela incombe à tous le monde.

 

Un exemple ? Prenons la guerre en Irak en 2003. Oui, on peut dire beaucoup de mal à son sujet. Et pourtant, si cette opération avait bénéficié d'une meilleure réflexion, elle se saurait mieux dérouler (ou pas du tout). Ceux qui l'ont soutenue se sont donnés l'idée d'une opération facile (a piece of cake) avec des résultats probants à court-terme qui se propageront à long-terme. Sauf que la réalité fut un désastre car la situation irakienne est bien plus complexe qu'imaginée au Pentagone et à la Maison blanche et le long-terme n'a pas bénéficié de l'analyse du monde civil (une militaire est polyvalent mais ne peut pas tout faire). Voyez le résultat aujourd'hui. Mais cette guerre ne doit pas servir de leçon d'histoire qui doit s'oublier car jugée trop négative, elle doit au contraire remettre en question la manière de voir le problème et d'y apporter les solutions. La guerre contre Daesh est le moment propice pour réparer cette erreur : plutôt que miser seulement sur les bombardements puis laisser faire en espérant que les résultats arriveront rapidement, il faut une politique longue axée sur le long-terme (reconstruction économique, consolidation nationale, réconciliation entre communautés) tout en admettant que ce sera difficile (qu'il faudra beaucoup de courage pour y arriver).

 

Or, cela risque-t-il de bien passer dans une démocratie ? Difficilement voire pas du tout. Lorsqu'un électeur vote, il le fait pour obtenir une solution facile (qui règle tout sans sacrifice si possible) et rapide ( avoir les bénéfices maintenant et pas dans trois mois). Quand je disais que ce problème ne concernait pas seulement les populistes, il implique aussi les partis traditionnels (ils ont toujours des solutions lorsqu'ils siègent dans la majorité) et extrémistes (exclusion, stigmatisation, amalgames, de bonnes marques de fabrique). Tous prêchent les miracles lorsque le pouvoir est en jeu.

 

Une note d'optimisme dans tout ça ?

 

Connaitre le problème est un bon pas pour y apporter des solutions. L'une d'elles consiste à ne pas se laisser leurrer pas la facilité et le court-terme. Ils peuvent rester des facteurs à tenir compte lors de la réalisation d'un programme d'idées mais ne doivent pas devenir la priorité absolue qui éclipse le reste. Il faut aussi accepter que les meilleures solutions peuvent être difficiles à mettre en place et le résultat ne peut se voir qu'à long terme. Certes, je ne dis pas que les solutions faciles et rapides doivent être évitées à tout prix, je dis juste qu'il ne faut pas s'y attacher s'il existe des alternatives.

 

Car le plus important, c'est de comprendre le problème et de regarder au loin en imaginant les possibilités positives et négatives pour mieux élaborer des solutions face aux problèmes à venir. Car des ennuis, on en aura toujours. Et ce ne sera pas toujours facile et rapide à régler. 

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