La peur : comment induire les gens dans l'horreur et l'erreur.

Image tirée de We become what we behold de Nicky Case, un court jeu dénonçant la manipulation médiatique.
Image tirée de We become what we behold de Nicky Case, un court jeu dénonçant la manipulation médiatique.

Prendre le pouvoir est une chose, le conserver en est une autre. Il existe plusieurs méthodes pour y parvenir, pas seulement en se basant sur la légitimité ayant permis son instauration, mais aussi sur l'interaction entre le gouvernement et le peuple. Les démocraties sont réputées pour souhaiter donner le meilleur bien-être à leurs citoyens à travers diverses politiques de promotions sociales et la liberté tandis que les dictatures le sont pour utiliser la répression par leurs forces militaires et policières. Pourtant, les deux types de gouvernances citées peuvent employer des méthodes similaires pour maintenir le contrôle sur la population : la peur.

 

Comment définir la peur dans la société? Pour faire simple, consultons ensemble la recette de cuisine.

 

Comme ingrédients, prenez : un gouvernement qui cherche à rester au pouvoir, des députés qui lui sont fidèles, un contexte de terreur ou de guerre (le terrorisme et les réfugiés sont très tendances), des médias pour relayer les infos en continue, des (nouvelles) lois pour justifier les mesures sécuritaires, des organes de sécurité si la police ne suffit pas, des boucs-émissaires sur qui taper (pas seulement sur un clavier).

 

A présent, nous sommes prêt à cuisiner la politique de la peur. Tout d'abord, prenez un ou plusieurs médias, envoyez les sur le terrain pour récolter les infos pouvant apporter de la crainte envers la population. Pour cet exemple, imaginons la présence de terroristes parmi les réfugiés (le résultat sera plus délicieux). Envoyez les médias pour conforter la population dans cette optique et rallonger la sauce en y invitant des personnalités se faisant appelées experts en sécurité - contre-terrorisme. Prenez ensuite un gouvernement qui y voit l'occasion d'exploiter un filon électoral via l'adoption de mesures sécuritaires (contrôle de la presse, mise sur écoute, violation autorisée de la vie privée, état d'urgence, surveillance des lieux remplis de méchants et de boucs-émissaires, etc.) avec approbation des chambres parlementaires. Si les outils ne suffisent pas, créez-en à travers l'instauration de nouveaux organes de défense et de sécurité. Si vous n'avez pas de médias pour lancer la recette, ce n'est pas grave, vous pouvez commencer par les déclarations officielles du gouvernement sur une possible menace terroriste, les journaux se chargeront de les relayer puis de les exploiter jusqu'au bout. En revanche, il est primordial d'entretenir la cuisson via le tapage médiatique sur les véritables cibles et sur les boucs-émissaires pour entretenir le climat de peur et de haine. Pour cela, filmez les en permanence mais surtout ne les discréditez pas, cela reste le travail du cerveau des incultes téléspectateurs ne réfléchissant pas et des extrémistes.

 

Astuce du chef : il est possible de rehausser la sauce en y rajoutant une édition spéciale. Cependant, il ne faut pas en abuser, le plat deviendra vite indigeste.

 

Bien entendu, l'exagération est poussée à son paroxysme. Tous les gouvernements ne réagissent pas de cette manière, chaque média possède ses propres valeurs qui influencent la tournure des articles et les téléspectateurs ne réagissent pas tous de la même manière. Il démontre cependant que le monde politique peut modifier son agenda pour le calquer sur la crise en cours, allant jusqu'à le placer en priorité.

 

Attention, danger peut-être imminent sans en être sûr!

 

Les attentats terroristes et l'arrivée massive des réfugiés renforcent le sentiment de peur déjà présent par la présence de sans-papiers et de musulmans radicaux. Tous ont comme dénominateur commun l'intérêt que le gouvernement porte à leur égard.

 

Leur travail est clair : la sécurité du pays doit rester une mission importante tout en préservant un code de conduite respectant les droits de l'Homme. Sauf que ce respect entraîne une hausse de l'impopularité au profit des partis nationalistes et d'extrême droite en raison du traitement de faveur jugé trop élevé par une partie de la population. Les médias réalisent une partie de la recette sans le savoir : en diffusant un reportage sur l'accueil des réfugiés ou migrants selon le point de vue employé, ils doivent mentionner les politiques sociales misent en place pour les accueillir humainement. Sauf que cette humanité ne plait pas à tout le monde et considère celle-ci comme de la charité financée par les citoyens qui y voient une forme de pillage de la part des étrangers. A force d'en parler, les extrémistes récupèrent le travail médiatique pour dénoncer les politiques d'asile et diffuser leurs idées ethnocentriques.

 

Comment? En employant la peur. Contrairement aux autres partis qui doivent développer un programme cohérent pour convaincre, les extrémistes peuvent capitaliser sur le danger que représentent les étrangers. Tous les arguments sont permis : extinction de la race souche au profit de celle des "envahisseurs", imposition de la culture étrangère, pillage des ressources économiques, islamisation totale de la société, installation de bases terroristes sur tout le territoire. Vous trouvez que tout ce que je dis est exagéré? Et pourtant, je ne vous mens pas, ce sont des arguments utilisés pour vous convaincre.

 

C'est l'un des problèmes des étrangers dans le monde médiatique. En se focalisant sur eux, volontairement ou pas, les médias donnent une image tronquée de la réalité. Montrer un groupe reviendrait à démontrer qu'il y en a des milliers. Voir tout le temps à la télé des étrangers commettent des crimes laisse sous-entendre qu'ils ne viennent que pour cela. Un musulman qui parle de sa religion fait de la propagande terroriste. Lorsque que je dis que les citoyens lambda préfèrent la facilité, l'extrême droite est championne dans la matière en employant des raccourcis puis en demandant aux électeurs de ne pas réfléchir, juste de croire en leur vision de la société. Pourtant, si les gens prenaient la peine de se renseigner ou de se rendre sur les lieux décrits comme dangereux pour les habitants de souche, ils découvriront que tous ce que les médias et les extrémistes disent ne sont pas toujours vrais.

 

Actif à l'extérieur, ça ne se voit pas à l'intérieur

 

Lorsque la situation d'un pays ne va pas bien, le gouvernement n'ose pas en assumer la responsabilité, ce sera porter atteinte à son honneur. Non, il faut un prétexte plus facile à exploiter auquel il serait possible d'y rallier la population. C'est une technique vieille comme le monde : l'ennemi commun. L'unité nationale derrière un ou plusieurs groupes d'individus accusés d'être le cancer de la société dont leur élimination résoudra tous les maux. Encore un argument choc des extrémistes.

Les médias y participent aussi en diffusant les infos du gouvernement. Nous avons vu que leur coopération est involontaire parce que leur fonction n'est pas d'influencer les lecteurs et téléspectateurs mais d'informer. Ce rôle disparaît sous une dictature ou une démocratie en guerre lorsque l'information se transforme en propagande pour convaincre la population de s'unir contre un ennemi commun à abattre, de soutenir l'armée et le gouvernement qui défendent le pays face à la menace.

Comprenez-vous pourquoi la recette inclut-elle des boucs-émissaires. Une menace n'est pas toujours réelle, elle peut naître de l'imagination de personnes y trouvant un intérêt. Le pouvoir, l'idéologie, la religion, le lobbying militaire. Diverses raisons pour expulser voire exterminer un peuple, même s'il se trouve à l'étranger.

 

Il existe peu d'exemples pour illustrer ces propos. Celui qui se rapproche le plus est la guerre en Irak de 2003. Choqué et paniqué par les attentats du 11 septembre 2001, le peuple étasunien se rallia derrière son président Georges W. Bush lorsqu'il annonça l'invasion de l'Irak au nom de la lutte contre la propagation des armes de destruction massive et le terrorisme. Il fut facile pour les néoconservateurs de convaincre les citoyens qu'attaquer l'Irak réglerait le problème au Moyen-Orient via la promotion de leur modèle de société alors que leur désir réel fut le remplacement d'un dictateur par un président plus conciliant (comme durant la Guerre froide). Mais quand les gens ont peur, brandissez leur un dessin de bombe atomique ou le visage d'un terroriste, ils goberont tout.

 

La peur, un business comme un autre

 

Difficile de croire que la peur peut devenir un marché économique. Et pourtant, il existe. Les sociétés de sécurité et de gardiennage se frottent les mains. Plus de terreur = plus de sécurité = plus de clients apeurés = plus de profits. Il n'a pas fallu attendre l'arrivée des terroristes pour la mise en place de cette logique financière.

La National Rifle Association, le principal lobby des armes aux Etats-Unis, utilise un argument choc à chaque fusillade : vous avez peur, c'est normal car n'importe qui peut vous attaquer donc achetez une arme pour ne plus être effrayé, surtout lorsque vous tirerez sur votre agresseur. En capitalisant sur la peur d'être désarmé face à un assaillant qui l'est forcément, la NRA fait croire que s'armer est la seule solution pour vivre dans un monde sécurisé. Mais ce débat sur le port d'arme fera l'objet d'un autre article.

 

Cet exemple démontre comment il est possible d'exploiter la peur pour son bénéfice personnel. Le gouvernement peut faire de même. Rallier la population derrière son chef, la rassurer sur la sécurité, lui démontrer qu'il est le seul à pouvoir assurer la protection de chacun.

 

 

Comment contrer ce phénomène? En se renseignant. Les gens sont prêts à croire n'importe qui s'ils n'ont pas de repères. La découverte de la réalité donne une vision plus réelle de la société. La peur naît de l'inconnu, facile à manipuler par la désinformation. La connaissance permet de mieux comprendre les véritables problèmes de la société. Plutôt que de sombrer dans la paranoïa, pourquoi ne pas profiter de la vie sereinement en se disant que de toute façon, nous mourrons tous un jour? 

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Commentaires: 1
  • #1

    James (mardi, 27 mars 2018 02:56)

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