La démocratie d'aujourd'hui : encore pour le peuple ?

Source: le Nouvel Observateur
Source: le Nouvel Observateur

Le monde est régi par différents systèmes politiques trouvant leur légitimité dans diverses origines ou fondements : la dictature basée sur l'armée, le nationalisme, la religion ou encore le culte de la personnalité, la monarchie avec à sa tête une dynastie (ou un dirigeant portant le titre de monarque sans l'être réellement) pouvant canaliser l'ensemble de la structure politique ou laisser une partie de celle-ci à la société civile, et le système qui nous intéresse aujourd'hui dans ce texte : la démocratie ou comment demander au peuple d'élire des représentants.

 

Le principe démocratique est fondé sur de bonnes intentions : il n'appartiendrait plus à une minorité de décider de l'avenir du pays en raison de leurs origines aristocratiques ou religieuses, ni à une personne ayant accéder à la fonction supérieure par les armes ou la ruse. Non, ce sont les citoyens qui élisent leurs représentants sur base d'un programme auquel ils adhèrent pour espérer que celui-ci se produise. Je dis bien espérer car il existe une large distance entre ce que les élus proposent et ce qu'ils feront une fois assis sur le canapé du parlement ou du ministère. Car oui, il ne faut pas oublier que Winston Churchill a déclaré que "la démocratie est le pire des systèmes politiques, à l'exception de tous les autres essayés dans le passé". Cela signifie que la démocratie n'est pas parfaite mais est considérée comme la meilleure comparé aux autres. Mais vaut-elle encore celle du temps de l'ancien premier ministre britannique à l'heure actuelle?

 

USA : ça parle, ça gueule, on est dans un brouhaha

 

Car Churchill a aussi déclaré "Le meilleur argument contre la démocratie est fournie par une conversation de cinq minutes avec l'électeur moyen". C'est le gros point noir de la démocratie! Demander à des citoyens qui connaissent quedal en politique, en économie et d'autres matières de choisir entre de probables incompétents, des manipulateurs connaissant les rouages de la société et des médias, les populistes qui leur promettent la Lune et plus si affinité dans les urnes (voir Les populistes : populaires ou impopulaires? [1]), ceux qui croient arrivés au pouvoir en lisant "La manipulation de masse pour les Nuls", les profiteurs beau parleurs et j'en passe tellement que l'arène est assez vaste pour accueillir toute la misère du monde.

 

Et c'est malheureusement le pressentiment dominant aux Etats-Unis (voir Elections présidentielles aux Etats-Unis : le choix trop cornélien [2]) où les deux candidats prétendent pouvoir occuper la fonction suprême de président. Mais sur quel fondement? La candidate démocrate Hillary Clinton se base sur son expérience politique et le rejet de son adversaire, tandis que le candidat républicain Donald Trump emploi un dialecte provoquant et le rejet de son adversaire. Pour le citoyen, quel argument va-t-il retenir? C'est une femme, elle a de l'expérience, l'autre est un pervers, il va rendre l'Amérique grand comme avant, il va construire un mur contre les dealers mexicains. Quels arguments! On regrettera le temps où le débat se basait sur les plans de relance, comment redresser le pays face à la crise économique, comment améliorer le quotidien des citoyens et sa situation socio-économique. Ici, on ne retient que scandales, menaces terroristes, tout ce qui permet aux médias de remplir leurs articles. Et les citoyens? Ben l'électeur moyen va regarder la télé ou sur Internet pour se donner une idée du candidat à soutenir ou non. Et s'il ne le souhaite, lequel des deux déteste-il le moins? La démocratie à coup d'insultes pour élire sur bases de provocations et de peur, était-ce ce mode de fonctionnement que les Pères fondateurs ont imaginé en rédigeant la Constitution?

 

Turquie : la purge ? C'est pour votre bien citoyen

 

La démocratie n'est pas seulement un devoir à accomplir lors des élections, elle l'est aussi au quotidien. Elle s'entretient à travers les institutions qui défendent le droit pour éviter le libre-arbitre des plus forts. Mais que se passe-t-il lorsqu'un gouvernement démocratique prend des mesures qui menacent la légitimité de son pouvoir?

La Turquie ne se préoccupe pas de cette question car depuis la purge, le président Recep Tayyip Erdogan prend des mesures qui n'épargnent personne dans la société civile (voir Turquie : une nuit qui changea le pays)[3]. Ses actions se justifient par la nécessité de purger le pays de tout élément lié aux putschistes et au présumé instigateur Fetullah Güllen. Comment justifier la démocratie? Réponse : regarder comme les gens sont contents, ils brandissent le drapeau turc et des portraits du Président. Ca, c'est la version que les médias sous contrôle gouvernemental affichent.

 

Car la démocratie inclut AUSSI une opposition politique, médiatique, citoyenne et associative. A partir du moment où celle-ci est considérée comme une menace au pouvoir, la démocratie se retrouve elle-même menacée. C'est comme cela que des dictatures peuvent naître : se faire élire par une majorité puis imposer des restrictions sous le couvert de l'intérêt national pour finalement supprimer ce qui permettait d'assurer le fonctionnement démocratique de la société en démontrant que le pouvoir en place peut gérer les affaires sans recevoir de leçons. Malheureusement, ce modus operandi fut déjà appliqué dans le passé et peut encore l'être si la situation chaotique est propice à l'arrivée du "sauveur" de la nation.

 

Union européenne : démocratie et technocratie ne font pas bons ménages

 

Demander aux citoyens de voter pour des élus dans leur propre pays sans qu'ils ne comprennent la raison, c'est difficile. Mais imaginer s'il faut en plus leur demander de le faire pour une institution européenne impopulaire et pas toujours comprise. Bonne chance! C'est le défi dont les chefs de gouvernement et d'Etat européens se sont lancés lors du sommet de Paris en 1974 pour rendre l'UE plus proche des citoyens.

 

Le Parlement européen fonctionne comme un parlement national à quelques détails près: les parlementaires sont élus sur base de listes européennes lors d'élections au niveau national, le nombre d'élus par pays est déterminé selon la démographie et les décideurs politiques qui donnent un nombre pour éviter les abus des grands Etats-membres, puis les élus se répartissent en groupe européen selon le choix de leur parti respectif. Pas facile? Heureusement que je ne vous décris pas la procédure législative car elle est complexe.

 

Cependant, le Parlement européen remplit son rôle de représentant de la société civile car elle discute en assemblée des propositions de la Commission (pur fruit de la technocratie) pour émettre un avis dont il faut en tenir compte sous peine de blocage voire de rejet. N'oublions pas qu'il y a de bonnes mesures qui en émanent dont les normes environnementales qui certes sont coûteuses mais se révèlent bénéfiques à long terme, des mesures d'harmonisation pour simplifier le quotidien (fin des coûts téléphoniques surfacturés à l'étranger dans l'espace européenne, l'harmonisation des chargeurs GSM, etc.).

 

Mais pourquoi ce manque d'intérêt de la part du citoyen ?

 

·         Le niveau européen ne l'intéresse pas, il veut seulement s'informer pour les niveaux national, régional et communal;

·         La complexité du fonctionnement de l'UE empêche toute explication rationnelle, laissant la porte ouverte aux rumeurs et mensonges qui sont plus faciles à transmettre;

·         Toutes les décisions prises par l'UE ne passent pas toujours par le Parlement, rendant leur application impopulaire aux yeux des citoyens (la répartition des migrants est un bon exemple);

·         Blâmer l'UE de tous les maux est une manière de grappiller des points lors des élections, de même pour le gouvernement qui peut se vanter d'avoir défendu son pays face aux avancées européennes allant à l'encontre de l'intérêt national.

 

Malheureusement, le projet de rendre l'UE plus démocratique est voué à l'échec. Cela s'observe par le taux de participation décroissant :

Source : EUR-LEX
Source : EUR-LEX

Mais la réaction des citoyens face au Brexit divise la société entre les partisans du maintien pour bénéficier du commerce et de la liberté de voyager et ceux du retrait au nom de la défense de l'intérêt national face aux diktats européens.

 

Donc ce n'est pas l'UE qui est impopulaire parce que les citoyens comprennent les avantages à y rester, ce sont les décisions prises qui ne sont pas toujours acceptées. Pourquoi un Etat-membre doit-il inclure dans son Moniteur des lois issues de directives européennes dont les habitants de celui-ci n'ont pas élu les autres parlementaires européens que les leur, que la décision émane de chefs étrangers et d'un groupe de technocrates qui refusent de comprendre le fonctionnement de chaque pays?

 

La démocratie, c'est fini ?

 

Il faut l'avouer : ce système tant défendu comporte des failles. Y remédier est difficile car cela nécessiterait une réflexion politique, philosophique et sociologique. Quel régime faut-il instaurer pour prendre en compte la défense des citoyens, de l'Etat de droit, du pouvoir en place et d'une opposition sans que l'un de ces éléments ne déborde et risque de mettre en péril les autres composants de la société ?

 

Oui, la démocratie n'est pas parfaite mais faut-il s'en débarrasser? N'oublions pas les avantages au quotidien.

Les libertés que nous jouissons ne peuvent se retrouver sous une dictature qui, comme son nom l'indique, nous dicte ce que nous devons faire ou non. Ce sont les régimes non-démocratiques qui sont les plus enclins à débuter les conflits (c'est prouvé) car cette volonté découle essentiellement de dirigeants préoccupés par leur prestige personnel.

 

Certes, c'est peu mais que faut-il de plus? Le changement pour améliorer un système imparfait, la volonté de ceux qui souhaitent changer au profit d'une gouvernance plus proche des citoyens. N'oublions pas que les imperfections font aussi des gagnants qui y voient un intérêt personnel à les entretenir. Mais vous, citoyens, avez la clé du changement, le pouvoir de changer, de manifester votre mécontentement pour réclamer ce que la société a réellement besoin.

Si vous souhaitez y participer, commencez par un geste simple mais aux conséquences non négligeables : voter.

 

Site utilisé :

 

http://www.wikiberal.org/wiki/Citations_sur_la_d%C3%A9mocratie#cite_ref-1

 


[1] http://uncoindecerveau.jimdo.com/2016/09/07/les-populistes-populaires-ou-impopulaires/

[2] http://uncoindecerveau.jimdo.com/2016/08/16/elections-pr%C3%A9sidentielles-aux-etats-unis-le-choix-trop-corn%C3%A9lien/

[3] http://uncoindecerveau.jimdo.com/2016/08/21/turquie-une-nuit-qui-changea-le-pays/

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