En temps de guerre, les conflits ne se déroulent pas seulement sur le champ de bataille. La vérité devient aussi un terrain où s'affrontent des points de vue car chaque camp tentent de convaincre l'opinion publique et internationale que les leur sont vrais et le reste n'est que mensonge et propagande. La vérité est la première victime de la guerre, cette phrase n'est pas prête de s'éteindre. Les photos et les vidéos font parties des armes déployées pour gagner le cœur des gens en espérant que leur cerveau soit en veille le temps de l'émotion.
L'actualité a démontré une fois encore qu'une vidéo pouvait susciter diverses réactions. Omrane, un garçon syrien de 5 ans, a survécu à un bombardement à Alep (une ville syrienne tenue depuis des années par un groupe rebelle syrien) attribué au régime syrien ou aux forces aériennes russes (l'enquête est en cours) puis fut déposé dans une ambulance puis photographié et filmé durant son étourdissement. Voir un garçon malheureux, hagard, la tête en sang, recouvert de poussière de l'immeuble effondré par des frappes aveugles tuant des civils sans distinction. Il y a de quoi susciter des larmes.
L'émotion internationale pour couvrir l'hypocrisie
Rapidement, l'affaire fut récupérée pour dénoncer les bombardements. Ce fut le cas des Etats-Unis à travers le porte-parole du département d'Etat qui considéra Omrane comme le vraie visage de la guerre en Syrie. Sauf que ce même pays bombarde aussi des villes en Syrie et en Irak pour déloger les terroristes de Daech et commet malheureusement des morts parmi les civils. La question n'est pas de s'interroger sur l'émotion à susciter mais sur la dénonciation d'un acte dont on est un acteur. Les Etats-Unis participent au conflit syrien en envoyant des conseillers militaires pour aider les combattants kurdes dont l'objectif reste l'anéantissement des terroristes mais est-ce seulement pour cela ? Laissons la question de côté.
Idem pour la Russie, accusée d'avoir bombardé le quartier pour aider le régime syrien à vaincre la rébellion. Selon un porte-parole militaire russe, les forces aériennes évitent de frapper les zones encore peuplées de civils et accusent les rebelles d'en être les auteurs pour discréditer son intervention et alimenter la propagande occidentale antirusse. Une fois de plus, la vérité n'est pas claire. Difficile de dire qui a raison tant que l'enquête ne le dira pas, et encore il n'est pas sûr qu'elle soit impartiale et honnête. D'autant que la Russie connait aussi le problème des morts civils lors de frappes aériennes.
Explications contre explications, chaque camp se déchaîne une fois de plus lorsque les médias jouent la carte de l'émotion pour attirer les lecteurs et téléspectateurs. Et qu'importe qui détient la vérité, laissons la presse faire son travail et les politiques le leur.
Les complotistes ne sont jamais loin
La Chine adopte une position particulière sur ce sujet. Selon la télévision d'Etat, toute cette histoire n'est qu'un coup monté par la propagande occidentale. Et voilà ! La boîte de Pandore est ouverte. Maintenant, les complotistes pourront commencer leur travail, enquêter sur les détails troubles qui remettent tout en question. La Chine dans sa déclaration va plus loin que la Russie : plutôt que de parler de récupération d'un événement tragique, elle parle de fabrication. Vrai ou pas vrai ? En politique, tout est vrai tout comme tout est faux. Tenter de percer la vérité est un combat perdu d'avance en raison des zones dangereuses ou surveillées, des modifications effectuées à l'abri des caméras, des preuves fabriquées. Bref, si vous voulez vous lancer dans le journalisme d'investigation, je vous souhaite bonne chance et surtout de rester en vie.
Ce n'est pas la première que la théorie du complot est suggérée. Qui se souvient de la photo du petit Aylan échoué sur les côtes turques il y a presque un an ? Cette photo a aussi fait le tour du monde en démontrant les dangers de la traversée de la Méditerranée sur des barques surpeuplées où la moindre accalmie pouvait provoquer un désastre. La mort d'un être humain est une tragédie, celle d'un enfant en bas-âge l'est plus. Mais rapidement, les complotistes ont appelé au trucage, parlant d'informations contradictoires, de fuites de presse et même d'un possible déplacement du corps par le photographe pour accentuer la mise en scène macabre. Ont-ils raison ? Difficile à dire car même si la version officielle dément les accusations, le doute entraînera toujours des interrogations qui entraîneront à leur tour l'appel au complot.
Après la pluie, encore de la pluie
Et pendant ce temps, des centaines de civils meurent noyés dans la Méditerranée ou dans les bombardements. Et on s'en fout. Désolé d'avoir brisé l'émotion mais la vérité doit être dite : on a beau pleurer sur le sort tragique de ces deux enfants, des centaines d'autres meurent dans l'indifférence (aucun journaliste ne voudrait faire de la plongée ou de la spéléologie urbaine pour obtenir des clichés chocs).
Tant que ces événements tragiques continueront, il y aura encore des morts et des larmes mais aussi des articles de presse pour alimenter l'émotion et la caisse de l'entreprise. A quand une nouvelle photo qui nous fera pleurer et réagir les politiques pendant quelques semaines pour ensuite sombrer dans l'oubli ?
Articles utilisés :
http://www.20minutes.fr/monde/syrie/1911387-20160822-television-etat-chinoise-met-doute-authenticite-images-petit-omrane
http://www.20minutes.fr/societe/1910627-20160819-photographie-jeune-syrien-rescape-decombres-immeuble-fait-presse-internationale
http://www.lemonde.fr/syrie/article/2016/08/19/pour-les-etats-unis-omrane-est-le-vrai-visage-de-la-guerre-en-syrie_4984710_1618247.html
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/09/10/mort-d-aylan-mensonges-manipulation-et-verite_4751442_4355770.html
http://www.leparisien.fr/international/syrie-moscou-nie-etre-a-l-origine-des-bombardements-ayant-touche-omrane-19-08-2016-6053879.php
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