Turquie : une nuit qui changea le pays.

La Turquie, un pays qui se retrouve dans l'actualité internationale pour évoquer des faits sanglants, violents, explosifs. De quoi faire peur aux touristes qui ne veulent pas risquer leur peau en voulant la faire bronzer.

 

Attentats, conflits avec les Kurdes, dissensions puis apaisement avec la Russie, reprise des relations diplomatiques avec Israël, guerre contre Daech. Ca fait beaucoup à écrire. Mais il y a un événement auquel je souhaiterais m'attarder car je le considère comme important pour l'avenir de la population turque, c'est le putsch raté du 15 juillet et ses conséquences.

 

Rouge de sang et de drapeaux

 

Tout commence lorsque le 15 juillet, des militaires décident de prendre le pouvoir en annonçant à la télévision, via une chaîne capturée, que le pays était sous le contrôle du "Conseil pour la paix" afin de rétablir la démocratie dans le pays. Pour afficher leur volonté, les mutins ont effectué plusieurs opérations militaires dont la prise d'un pont reliant les deux côtes du Bosphore (allant jusqu'à tirer sur les civils souhaitant le traverser) et le bombardement du Parlement.

 

Mais leur coup d'Etat ne dura qu'une nuit car le président Recep Tayyip Erdogan a appelé ses concitoyens à descendre dans la rue pour exprimer leur soutien envers le pouvoir, les putschistes étaient peu suivis pour une action à long terme et finalement la plupart d'entre eux se sont rendus. Le bilan s'élève a un peu plus de 300 personnes décédées.

 

Cette nuit marque cependant le début d'un enchaînement de décisions passant par l'inquiétude et l'interrogation. Outre les signes de soutien populaire envers leur président, celui-ci a ordonné l'organisation d'une vaste purge, se chiffrant en milliers d'arrestations, dans l'armée, la police, la fonction publique, les médias, les finances et même le sport! A cela s'ajoute la possibilité de réinstaurer la peine de mort, abolie en 2004, ce qui suscite l'inquiétude des partenaires occidentaux qui craignent un retour en arrière dans les droits de l'Homme et un jet dans la poubelle du dossier de l'adhésion turque à l'UE.

 

Ce coup d'Etat a droit a son lot de questions quant à son organisation jugée trop archaïque pour être efficace et surtout sur l'identité des commanditaires. Trois hypothèses existent :

 

-          La version officielle, émise par le Président, est que l'instigateur ne serait rien d'autre que son ancien allié Fetullah Gülen, un intellectuel vivant en exil au Etats-Unis depuis 1999, dont il demande son extradition au nom de l'amitié entre les deux pays mais  l'administration étasunienne lui a répondu qu'elle attendait des preuves concrètes avant de prendre une décision;

 

-          Fetullah Gülen accuse le Président de l'avoir commandité pour justifier son arrestation et profiter de l'adhésion populaire pour renforcer son pouvoir par les purges dans ce qu'il considère comme des organes d'opposition et par une nouvelle constitution qui renforcerait ses pouvoirs;

 

-          Il est possible enfin que ce mouvement soit simplement dirigé par des officiers qui ne voulaient plus du Président, ce qui expliquerait leur faible soutien et le manque d'unité (comme le refus des forces spéciales). Tirer sur des civils qui souhaitaient traverser un pont n'est pas la meilleure des idées pour son image, surtout si l'action est justifiée par le rétablissement de la démocratie.

 

Accusations lancées de toute part, la vérité sera difficile à acquérir. Les amateurs de théories du complot sont aux anges, cela fait un mystère de plus à répandre sur le Net.

 

Erdogan : sultan ou président ?

 

Pour les opposants au pouvoir, cela fait nul doute. Le Président souhaite instaurer un régime présidentiel fort dépourvu de toute opposition au pouvoir. Ce putsch raté est une occasion rêvée.

 

Déjà critiqué pour museler la presse d'opposition, le Président s'est fait remarqué en 2013 ( il était alors Premier ministre) lorsqu'il avait souhaité raser la Place Taksim pour y bâtir une mosquée. S'attaquer à un symbole de la laïcité, il n'en fallait pas plus pour provoquer la colère des défenseurs d'une Turquie laïque face à la montée de l'islamisation. Ce fut un bras de fer entre les forces de l'ordre et les manifestants qui refusèrent de partir. La construction du nouveau palais présidentiel a aussi suscité la colère en raison de la démesure luxueuse.

 

Contrairement à ce qu'il affirme, le Président ne fait pas l'unanimité, l'union nationale n'existe pas, surtout avec les Kurdes où le PKK a repris les hostilités et les combattants contre Daech subissent des bombardements turcs, tandis que les gülenistes sont considérés comme des criminels soutenant le coup d'Etat raté.

Mais quand je disais que ses partenaires occidentaux  s'inquiètent de la tournure de la purge, ils ont raison car la chasse aux sorcières prend une tournure internationale lorsque le Président demande à sa diaspora de mener le combat dans leur pays d'adoption, provoquant un climat de peur basé sur la menace.

 

Même si les habitants souhaitent affirmer leur patriotisme et leur attache à la démocratie, les dérives d'Erdogan posent question. Mais que ce passera-t-il lorsqu'il aura fini avec les mutins et Gülen? Continuera-t-il de pourchasser toute forme d'opposition ou au contraire lâchera-t-il du lest ? La première option semble privilégiée tant que son attitude laisse entendre qu'il ne renoncera pas facilement à tout obstacle a son pouvoir. Pourra-t-on encore parler de démocratie ?

 

 

Sources utilisées :

 

http://fr.euronews.com/2016/07/19/qui-derriere-le-coup-d-etat-manque-en-turquie

http://www.lavenir.net/channel/index.aspx?channelid=543

http://fr.metrotime.be/2016/07/21/news/tentative-de-coup-detat-en-turquie-marche-anti-putsch-sur-le-pont-du-bosphore-a-istanbul/

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